L’hyper fait ses premières armes au Pakistan
Le 13 mai, Majid Al Futtaim, le partenaire de Carrefour au Moyen-Orient, a inauguré le premier hypermarché du Pakistan, à Lahore, près de la frontière indienne. Pour des raisons de sécurité, l’hyper n’a pas ouvert sous enseigne Carrefour…
Avec sa façade en béton haute d'une dizaine de mètres, sans fenêtre, l'hypermarché Hyperstar de Lahore ressemble à un fort. A l'arrière du bâtiment, qui fait office d’entrée principale, des plots en béton sont posés sur le sol pour prévenir les attentats à la voiture suicide. Et des détecteurs de métaux trônent près des portes. Fouille des sacs obligatoire. Ambiance… « C'est normal de prendre des mesures de sécurité. Il ne faut pas oublier qu'il y a des attentats ici », justifie Daniel Penco, le directeur, français, de cet hyper de 8 500 m2, le premier du genre au Pakistan.
Comme dans tous les pays du Moyen-Orient, c’est Majid Al Futtaim, le partenaire de Carrefour, qui est à la manœuvre. Mais au Pakistan, le panonceau Carrefour ne trône pas sur le bâtiment. Un cadre du magasin explique : « Si on s'appelle Hyperstar et non pas Carrefour, c'est uniquement pour des raisons de sécurité. » Un subterfuge un peu grossier néanmoins tant le logo est directement inspiré de celui du groupe français, le « C » étant remplacé par un « H »... A la décharge de Carrefour et de son franchisé, il faut dire que les entreprises françaises ont déjà été prises pour cible au Pakistan, pays mitoyen de l’Iran, de l’Afghanistan et de l’Inde. Chacun se souvient encore de l’attentat contre des ingénieurs de la Direction des chantiers navals, la DCN, qui avait fait 11 morts en 2002. Il y a quelques semaines, des ingénieurs pakistanais d'Alcatel ont été braqués par des hommes armés dans le Nord du pays. Sans oublier la touterécente attaque-suicide à Lahore, le 27 mai, revendiquée par les talibans, qui a fait 24 morts et plus de 300 blessés. Malgré cette tension, Daniel Penco se veut serein : « Je fais attention à ne pas emprunter les mêmes trajets aux mêmes heures, mais je ne me sens pas très menacé et je n'ai pas de garde du corps. »
Un magasin à l’occidentale
Une fois passés les portiques de sécurité, le client fait ses achats comme dans n'importe quel autre hypermarché. Le magasin est d’ailleurs construit sur un strict modèle occidental moderne. On y retrouve même la dernière signalétique gris clair en cours de déploiement dans les Carrefour français. Loin d’une ambiance bazar ou discount, les produits sont dépotés et proprement alignés. Seule différence notable : le personnel pléthorique au regard des ratios français. Ici, des « ensacheurs » remplissent les sacs de coursesdes clients. Et dans un pays qui découvre le libre-service, des employés vêtus d'un polo jaune avec l'inscription « Can I help you » (puis-je vous aider) sont là pour orienter le chaland.
Du côté de l’offre, Hyperstar se distingue par la largeur de son choix : 34 000 références sont disponibles sur deux niveaux. L'alimentaire occupe le rez-de-chaussée. La première moitié de la surface de vente propose les produits laitiers, les aliments du petit-déjeuner comme les céréales, le thé et le café, etc. Réduit à la portion congrue, le rayon surgelés, situé près de l’entrée, ne s'étend que sur une dizaine de mètres de long. « Les congélateurs ne sont pas très répandus ici. Les Pakistanais ont l'habitude de consommer immédiatement le surgelé qu'ils achètent », précise Daniel Penco. Situées au fond du magasin, la boucherie et la poissonnerie ne travaillent qu’à la coupe ou presque. « Ici, le consommateur a encore l'habitude de se faire servir par un boucher. Mais on vend un peu de viande emballée. On verra ce que ça donne », ajoute le directeur. Pour compléter la zone marché, une boulangerie propose des pains et pâtisseries pakistanais mais aussi des baguettes à la française cuites sur place, des pains au chocolat et des croissants.
« Gagner du temps »
Le non-alimentaire occupe tout le premier étage. La vocation généraliste « tout sous le même toit » de l’hyper prend alors tout son sens. « Nous allons faire gagner du temps aux clients car dans ce pays, les magasins sont dispersés et le consommateur est obligé d'aller d'une boutique à l'autre », indique Daniel Penco. Ainsi le rayon textile propose aussi bien des t-shirts ou des jeans que des articles plus locaux, comme des shalwar kameez, l'habit traditionnel pakistanais. Outre le textile, Hyperstar propose des téléviseurs, des ordinateurs portables, des téléphones mobiles, gros et petit électro, des jouets, etc.
L'autre atout d'Hyperstar, ce sont évidemment les prix. « Sur l'alimentaire, on veut être jusqu’à 8 % moins cher que la concurrence pour attirer la clientèle et l'inciter à acheter du non-alimentaire », détaille Daniel Penco. L’hyper dispose de réserves importantes, avec 2 000 m2 à l'arrière du bâtiment. Cette capacité de stockage va s’avérer un atout non négligeable pour amortir les hausses de prix dans un pays où l’inflation atteint 20 % par an.
Les Pakistanais apprécient, visiblement. « Sur la dernière journée de mai, on a accueilli 30 000 personnes dont 10 000 acheteurs », se félicite Daniel Penco. Majid Al Futtaim a investi près de 15 millions d'euros dans ce premier projet à Lahore. En année une, l'entreprise table sur l’équivalent de 35 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et d'ici à 5 ans, elle projette d'ouvrir 10 hypermarchés au Pakistan. Sur le papier, le potentiel est considérable. Avec 167 millions d’habitants, cette république islamique est le sixième pays le plus peuplé au monde…
Majid Al Futtaim, un partenaire discret et puissant
Carrefour n’a toujours fait qu’une publicité très relative sur ses activités au Moyen-Orient. Mais son partenaire-franchisé sur la zone, Majid Al Futtaim, basé aux Emirats Arabes Unis, y pousse ses pions rapidement. Carrefour détient 25 % du capital de la coentreprise et fournit une partie du savoir-faire, via les effectifs d’expatriés. Avec ce premier hyper pakistanais, « MAF » est désormais présent dans 11 pays de la zone : 11 hypers aux Emirats Arabes Unis, 10 en Arabie Saoudite, 4 en Egypte, 3 au Qatar, 2 à Oman, 1 à Bahreïn, 1 en Jordanie et 1 au Koweit. Depuis le début de cette année, Majid Al Futtaim s’attaque à des pays plus « délicats », avec une première unité en Syrie, en Iran (également sous enseigne Hyperstar) et au Pakistan, donc.
F.V.