La situation n’est pas seulement inédite, elle est aussi alarmante. L’inflation explosive a conduit les pouvoirs publics à relancer les négociations commerciales, aussitôt après leur clôture le 1er mars. Et ces négos se passent mal.
Députés et sénateurs ont présenté, au milieu de l’été, leurs travaux de suivi sur ce sujet brûlant. Lors des négociations annuelles pour 2021, on avait dénombré une cinquantaine de recours au médiateur des relations commerciales. Durant le "round 1" des négos 2022 (la période classique courant jusqu’au 1er mars), ce même médiateur avait été saisi 60 fois. Depuis le démarrage du "round 2", 70 dossiers supplémentaires ont encore été ouverts !
Des clauses de renégociations qui inquiètent
Les clauses de renégociations des contrats, souvent, ont été mal rédigées. Prévues par la loi Egalim 2 afin de mieux coller aux variations importantes de cours, elles inquiètent en réalité toutes les parties. Les industriels craignent de devoir ouvrir leurs comptes aux enseignes pour justifier les hausses, alors qu’ils se protègent derrière la certification d’un tiers lors des négos classiques.
Les distributeurs y voient une source potentielle de désavantage concurrentiel puisque ces clauses ne sont pas soumises au principe de non-discrimination. Afin de ne pas être les premiers à devoir renégocier, certains acheteurs ont fixé des seuils de déclenchement démesurément hauts ou imposé des délais de mise en œuvre beaucoup trop longs.
Selon la DGCCRF, 20% des contrats signés pour 2022 font même l’impasse sur ces clauses, pourtant obligatoires. Le reste du temps, elles sont souvent "bâclées", déplorent les sénateurs. Dans ces conditions, la plupart des rendez-vous du round 2 ont été organisés dans le cadre de la charte d’engagement à renégocier signée le 18 mars sous la supervision des pouvoirs publics. Une charte qui n’est pas juridiquement contraignante et manque de précision, estiment les sénateurs.
4 à 6% de hausses passées depuis mars
Lors du round 1, les industriels avaient en moyenne réclamé 7,2% d’augmentation de tarif et obtenu 3,5%. Pour le round 2, les rapports d’étape de l’été évaluent à 10-12% les demandes de hausse, avec des premiers contrats signés accordant plutôt 4 à 6%.
Les parlementaires enterrent au passage les accusations des distributeurs qui dénoncent des hausses massives opportunistes, voire fictives, de la part de certains fournisseurs. Des accusations lancées sans que des éléments probants soient fournis lors des auditions, et mises plutôt sur le compte de la frustration d’acheteurs confrontés à une inflation inédite.
Le gouvernement, cela dit, ne relâche pas la pression sur les opérateurs. La DGCCRF a mis en place un guichet unique afin de faciliter les signalements d’irrégularités. Le ministre de l’Économie a annoncé la mise en place de contrôles, filière par filière, afin de s’assurer de la légitimité des augmentations enregistrées à chaque étape. L’Inspection des finances, enfin, est chargée d’une nouvelle mission visant à vérifier que la marge supplémentaire générée par la hausse du seuil de revente à perte est bien répercutée aux agriculteurs.
Chez les industriels :
- Justifier une hausse par l’évolution d’un cours de marché à une date opportune et non sur la base de factures d’achat réelles mieux-disantes.
- Pour un même produit, des demandes très différentes selon les fournisseurs : du simple au double pour la bière, de +3% à +15% pour des glaces, de +9% à +22% pour de l’eau en bouteille.
Chez les distributeurs :
- Passer des hausses de prix en rayon sans changement de tarif du fournisseur.
- Refuser les hausses et privilégier la rupture du contrat, en profitant d’une longue période de préavis (jusqu’à 8 ou 12 mois) pour continuer d’appliquer l’ancien tarif.