Un projet de loi faiblard sur l'équilibre des relations commerciales

1 février 2018 - B. Merlaud

Un projet de loi faiblard sur l'équilibre des relations commerciales

En 2016, une promotion à 75% de remise immédiate

En 2016, une promotion en magasin à 75% de remise immédiate.

Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales reprend bien l'esprit des états généraux de l'alimentation. Mais il ne contient que très peu de mesures précises, renvoyant à des ordonnances qui viendront plus tard.

L'ambition, rappelée lors du conseil des ministres du 31 janvier, est toujours de "permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé" et "à chacun d’avoir accès à une alimentation saine, durable et sûre".

Une "proposition" du producteur

Le gouvernement vante l'inversion de la construction des prix, qui s'appuierait de façon non négociable sur les coûts de production réels. Le projet de loi, lui, prévoit que "la conclusion d'un contrat de vente relatif à la cession à leur premier acheteur de produits agricoles [… sera] précédée d'une proposition du producteur".

C'est sans doute un pas dans la bonne direction. Mais quand la loi a imposé comme socle des négos, dans les box, les conditions de vente de l'industriel au détriment des conditions d'achat des distributeurs (bref, déjà, la même logique d'inversion), elle n'a pas vraiment changé la vie des fournisseurs. Alors une "proposition" du producteur avant la signature d'un contrat…

Les "prix du marché" restent déterminants

Quant à la prise en compte des coûts de production, elle sera surtout affaire de compromis. D'abord parce que les indices nationaux qui seront retenus (ce sera aux interprofessions de les construire) ne pourront pas être représentatifs à la fois des grandes exploitations intensives et des petites structures familiales agricoles.

Ensuite parce que les critères de détermination des prix dans les contrats ne prendront pas seulement en compte ces coûts de production, mais aussi "les prix constatés sur les marchés", dans des proportions qui restent à définir. Les agriculteurs ne veulent pas se priver des effets d'aubaines des bonnes années, quand les cours montent. Mais ils seront donc toujours exposés aux crises. Tous les opérateurs espèrent juste que le tunnel des prix ainsi défini sera plus étroit qu'auparavant.

Une sacrée dose d'optimisme

L'encadrement des promotions dans les grandes surfaces, dans l'esprit du gouvernement, doit aussi permettre de faire disparaître les tarifs abusivement bas. Mais il faut une sacrée dose d'optimisme pour imaginer que ces mesures profiteront directement aux agriculteurs français.

Le projet de loi autorise le gouvernement à prendre deux dispositions inédites par ordonnance, pour une période expérimentale de deux ans.

La première devra redéfinir le seuil de revente à perte des produits alimentaires. Jusqu'à présent, le calcul du SRP ne prenait en compte que les prix d'achat réglés par les enseignes. Il devra aussi inclure, à l'avenir, un forfait de 10% couvrant les coûts moyens de logistique et de distribution. Une évolution somme toute assez logique si l'on considère qu'il faut (vraiment) interdire la vente à perte.

Dans l'idée de ses promoteurs, cette nouvelle "marge minimum obligatoire" devrait mettre fin aux péréquations qui, pour compenser les ventes à la planche sur les grandes marques, poussent les enseignes à refaire du gras sur le dos des produits agricoles. Mais rien ne les y obligera non plus.

Les distributeurs vont-ils baisser les prix des produits frais pour en écouler davantage ? Consentir à payer plus cher les fournisseurs de ces rayons ? Les industriels vont-ils par ricochet mieux rémunérer les agriculteurs ? Tout le monde l'espère, mais le projet, en l'état, ne s'intéresse pas à ces questions.

La seconde ordonnance aura pour objectif "d’encadrer en valeur et en volume les opérations promotionnelles portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires". Sans autre détail à ce stade, ni mesure chiffrée.

Les -70% d'Intermarché pas forcément interdits

Il ne l'a pas écrit dans son projet de loi, mais le gouvernement communique par ailleurs largement sur un plafonnement des promos qui serait fixé à 34% du prix de départ (prix qu'il faudra lui aussi définir). Les opérations à -70% d'Intermarché et les bousculades qu'elles ont provoquées, en janvier, sont pointées du doigt. Mais l'ordonnance ne prévoyant rien sur les produits non alimentaires, le gouvernement n'empêchera pas les Mousquetaires de rééditer leur coup d'éclat sur les couches Pampers.

L'impact direct pour les agriculteurs ? Difficile à mesurer. Les opérations dégagement, pour écouler les surstocks ponctuels, y perdront en efficacité mais les repères des consommateurs sur les "vrais" prix des produits agricoles seront moins brouillés (au moins sur la viande). Pour les aliments industriels, en revanche, le risque d'un jeu à somme nulle est réel si les acheteurs des enseignes réclament des baisses en fond de rayon pour compenser la moindre générosité des promos et maintenir les tarifs moyens lissés sur l'année. Sans parler des marchés "promo-dépendants", qui se verront eux affaiblis.

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