Les premiers éléments de la relance de Carrefour France
Les mesures du plan d'économies en préparation chez Carrefour sont distillées au compte-gouttes en interne. Les axes de relance commerciale commencent également à être présentés. Le point sur les premières informations en circulation que Linéaires a pu recueillir.
Le nouveau PDG Alexandre Bompard a repoussé au 23 janvier l'annonce officielle du plan de transformation qu'il prévoit pour le groupe. Ce décalage, qui laisse prudemment passer les fêtes, renforce les craintes des salariés de décisions musclées, en particulier concernant le personnel des sièges et les effectifs de la logistique.
En attendant la présentation, en janvier donc, de ce qui sera sans doute le gros morceau du plan d'économies (très attendu par les analystes boursiers), des mesures complémentaires commencent à être connues à l'échelle de Carrefour France.
Des hypers "en perdition"
5 hypermarchés passeront en location-gérance en mars 2018. Deux sites de Carrefour Hypermarchés SAS (Château-Thierry, Montluçon), deux magasins SDNH (dont Flers, en photo) et un Hyperadour, pour être précis sur les sociétés concernées au sein de la galaxie Carrefour. À chaque fois, des hypers de taille modeste et en très petite forme. Ils jaugent entre 3000 et 7500 mètres carrés et sortent en général entre 5000 et 7000 euros de CA au mètre carré.
Certains de ces magasins sont carrément présentés aux syndicats comme "en perdition", le passage en location-gérance devenant la seule mesure pouvant éviter des fermetures. Ce mode de transfert, qui a déjà largement séduit le distributeur pour ses supermarchés, continuera d'ailleurs d'être utilisé pour les autres formats du groupe.
Une part significative du parc des ex-Dia, en revanche, pourrait bien fermer. Carrefour reconnaît de plus en plus facilement (en interne, du moins) ne plus voir de perspectives de redressement pour de nombreux cas difficiles.
Des budgets en baisse
Des économies sur les frais de personnel en magasins sont également attendues, notamment grâce au déploiement des caisses automatiques et Scan'lib, des bornes de paiement 24/24 en station-service et grâce à la réorganisation des équipes administratives site par site.
Les budgets de remodeling des magasins seront revus à la baisse, de même qu'un tri sévère est en train d'être réalisé dans la multitude de projets informatiques (près de 300 !) lancés par le groupe. Les deux tiers devraient être abandonnés ou repoussés.
Le distributeur va aussi s'attaquer à ses stocks alimentaires, qu'il juge excessifs à la fois en hyper et en entrepôt. On pourra donc s'attendre à des opérations de déstockage en magasin mais aussi, surtout, au passage de davantage de références en flux tendu en entrepôt. Et les assortiments devraient être resserrés en épicerie.
Une alliance avec Fnac-Darty
Carrefour a aussi enclenché une alliance aux achats avec le groupe Fnac-Darty [confirmée le 5 décembre]. Le partenariat concerne les produits électroménagers et électroniques grand public en France et est effectif dès les négos 2018. Georges Plassat était contre selon BFM Business, mais son remplaçant Alexandre Bompard cultive évidemment davantage de proximité avec l'état-major du groupe qu'il vient de quitter.
Voilà pour les mesures d'économies connues à ce stade. Mais Carrefour s'est aussi fixé un cap pour relancer commercialement la machine.
Fournisseurs : les négos seront dures
De source syndicale, les prix en magasins, en hypers et surtout en supers, poseraient problème à la nouvelle direction du groupe. Pas assez compétitifs. Mais comme les caisses sont vides, Carrefour envisagerait en premier lieu des mesures de contournement.
Du cagnottage sur les MDD est dans les tuyaux, de même qu'une offensive sur les produits frais. Assortis d'une prise de parole, en communication, pour rassurer les clients. Les fournisseurs, eux, sont prévenus : les négociations en cours seront dures, très dures. Tout le monde ne pourra pas s'abriter derrière la défense des agriculteurs français.
S'attaquer au food service
Carrefour se fixe comme ambition de devenir une enseigne référente en matière d'alimentation. Pour y arriver, le distributeur va travailler en priorité sur les rayons fruits et légumes et traiteur, au sens large. L'offre des produits frais sera toujours plus "traitorisée". Carrefour entend prendre des parts d'estomac aux acteurs du food service en développant la consommation sur place (dans tous ses formats, hypers, supers, proxi) et la livraison (à domicile, sur le lieu de travail). Des cuisines centrales viendront si besoin en renfort des magasins et comptoirs dans la préparation des plats.
Des magasins Greenweez
Le parcours client, en particulier en hyper, sera enrichi grâce à de nouveaux points-conseil, davantage de services et d'animations. Les ouvertures le dimanche matin devront apporter, partout où c'est possible et pertinent, un regain d'activité.
Un "plan Paris" viendra au secours des Carrefour Market de la capitale, particulièrement à la peine. Sur le bio, Carrefour prépare l'ouverture de magasins Greenweez pour aborder le marché de la proximité urbaine avec une enseigne spécialisée.
Des satellites drives
Les ouvertures de drives se multiplieront grâce au nouveau modèle d'entrepôt automatisé capable de desservir une multitude de satellites, adossés à des magasins ou implantés dans des lieux de flux, des zones de bureaux, etc. Le pilote ouvert en région lyonnaise a fait ses preuves et un premier projet en Ile-de-France est déjà en chantier (voir Linéaires de novembre).
L'immense base de données clients de Carrefour, enfin, devra être mieux exploitée et partagée par toutes les enseignes du groupe. Pour que l'expérience d'achat soit à la fois omnicanale et multiformat.