La drôle de communication de Leclerc
Leclerc repart en campagne sur les prix mais, paradoxalement, prend le risque d'affaiblir son discours. En condamnant l'hétérogénéité des prix au sein des réseaux de ses concurrents, il tape sur les supermarchés et valide de fait la position compétitive des hypers.
Ce n'est pas la première fois que Leclerc dénonce les écarts de prix entre hypers et supers chez ses concurrents. Mais en attaquant Carrefour Market et les supermarchés Casino, ou même Carrefour City et Monoprix, Leclerc reconnaît en même temps que le positionnement prix de Carrefour ou de Géant Casino n'est finalement pas si éloigné du sien.
Sur les graphiques qui illustrent la dernière campagne de communication de Leclerc, les écarts avec ces deux enseignes d'hypers paraissent dérisoires : + 1,4% pour Carrefour, + 2,6% pour Géant Casino. Une paille, à côté des + 14% ou des + 20% sur lesquels l'affiche se focalise.
En outre, dans le long commentaire qui accompagne ces graphiques, Leclerc fustige en même temps le "poker menteur" de ses concurrents "qui continuent à marger fort" et les industriels "si prompts à dénoncer les prix bas mais qui sponsorisent la vie chère". Ce qui fait peut-être beaucoup de coupables pour un seul message.
Sur son blog, Michel-Edouard Leclerc veut faire de cette communication le signal de départ d'une nouvelle mobilisation des adhérents, applaudie lors de leur dernière assemblée générale le 17 novembre.
"Les E.Leclerc vont rentrer dans le ventre gras de leurs concurrents", s'attaquer au "gisement de prix élevés" que représentent leurs "marges de péréquation", assène le patron du mouvement. Un discours qui semble autant s'adresser aux clients qu'aux adhérents Leclerc, qui en auraient assez de serrer les dents pour alimenter la guerre des prix.
Leclerc se met lui aussi à comparer les drives
"Certains concurrents ont compris que les drives sont un formidable vecteur d'image prix. Ils cantonnent leur investissement à la recherche d’une image très éloignée de la réalité des prix pratiqués dans les autres canaux de distribution de leur enseigne. Au mieux, quelques-uns de leurs hypermarchés, par rotation, rentrent dans le jeu. Il est temps de mettre le projecteur sur l’offre exhaustive de tous les hypers et supermarchés, et pas simplement les quelques centaines d’articles « pompables » (parce que facilement pompables !) sur internet."
On l'aura compris, Michel-Edouard Leclerc se méfie des comparateurs de prix qui feraient du drive leur seul thermomètre. Il rappelle même que Carrefour s'essaie au pricing différencié entre drive et magasin sur un même site.
Eh bien, on n'a peut-être rien compris du tout. La dernière campagne de communication de l'enseigne ne repose que... sur des relevés de prix en drive.
Dans le détail, Leclerc a fait appel à l'agence Ezeeworld (qui lui fournit déjà ses applis, dont quiestlemoinscher) pour relever les prix d'une liste de 2900 produits dans 2400 drives sur tout le territoire.
Les aspirations ont eu lieu en septembre 2014 et ce sont elles qui alimentent les graphiques de la campagne.
Sur son site quiestlemoischer.com, Leclerc utilise aussi les aspirations de drives pour établir ses comparatifs locaux. Les relevés physiques en magasin n'existent plus que pour les concurrents ne proposant pas de drive.
Au passage, on notera que le site quiestlemoinscher se refuse toujours à comparer deux Leclerc entre eux, même proches. Quand l'un est choisi, l'autre disparaît du radar.