Assignations : Bercy commence par Carrefour
Le ministère de l’Économie préparait bien une vague d'assignations à l'encontre des distributeurs. Premier visé : Carrefour, accusé de pratiques commerciales abusives. D'autres assignations sont envisagées dans les prochaines semaines.
Les intentions du gouvernement avaient été révélées par Linéaires dès le 12 octobre : Bercy attendait le démarrage des négociations annuelles 2017 pour lancer ses assignations et ainsi mettre la pression sur les enseignes à un moment stratégique.
Les perquisitions de la DGCCRF en février dans les locaux du distributeur sont à l'origine de la procédure visant Carrefour. Elles auraient permis de mettre en évidence, selon le ministère de l'Économie, des pratiques illicites lors des dernières négociations annuelles.
Une remise complémentaire préalable
Bercy reproche notamment à Carrefour d’avoir "exigé de ses fournisseurs, sans aucune contrepartie, une "remise complémentaire de distribution" d’un montant significatif, le versement de cette remise étant érigé en préalable à l’ouverture des négociations commerciales annuelles".
Dans un courrier que s'était procuré Linéaires, début janvier, l'association nationale des industries alimentaires (Ania) demandait déjà des explications à Carrefour sur cette remise sans laquelle "aucune négociation ne pourrait s'engager pour les relations 2016".
En assignant le distributeur devant le tribunal de commerce, le ministère de l'Économie demande aux juges "de prononcer une amende civile et d'enjoindre à Carrefour de mettre fin à des pratiques illicites". Contacté par Linéaires, le distributeur ne souhaitait pas commenter, ce matin, cette accusation.
"Plusieurs autres assignations sont envisagées dans les prochaines semaines pour mettre un terme et sanctionner les pratiques de plusieurs autres enseignes", préviennent également, d'une même voix, le ministre de l'Économie Michel Sapin, la secrétaire d’État au Commerce Martine Pinville et le secrétaire d’État à l'Industrie Christophe Sirugue.
Le passage en force de Leclerc
En même temps qu'ils s'insurgeaient contre la "remise complémentaire" de Carrefour, de nombreux industriels s'étranglaient par exemple, à quelques jours de la fin des négos 2016, devant le passage en force par Leclerc de remises sans contrepartie explicite.
De nouveaux contrats retraduisaient les taux de réductions obtenus dans des clauses apparemment trop vagues. Selon les termes rapportés à l'époque à Linéaires, Leclerc aurait ainsi promis des prestations du type "veille constante", "diffusion de préconisation de vente", "adaptation géomarketing", "gestion de crise", etc.
Des affaires en cours
"À ce jour, les ministres sont parties dans une quarantaine d’affaires contentieuses devant la justice et rappellent que celles-ci sont susceptibles de donner lieu à de lourdes condamnations, amendes civiles et restitution des sommes indûment perçues", indique-t-on à Bercy.
En octobre 2016, la Cour de cassation a ainsi confirmé définitivement la condamnation de Carrefour à 500.000 euros d'amende pour des clauses contractuelles abusives. Cette affaire trouvait son origine dans une précédente vague d'assignations, lancées en 2009 par le ministère de l’Économie.
En 2015, déjà, la Cour de cassation avait condamné Casino, Auchan, Provera et Leclerc à des amendes comprises entre 250.000 et un million d'euros, suite à ces assignations de 2009.
À l'été 2016, la cour d'appel de Paris a également condamné Système U, dans une affaire remontant à 2004, à rembourser à ses fournisseurs 77 millions d'euros indûment perçus. La même cour, en 2015, avait déjà contraint Leclerc, de la même façon, à restituer 61 millions d'euros à ses fournisseurs (un dossier qui avait cette fois démarré avec une assignation de Bercy lancée en 2011).
On peut également citer, pour compléter cette liste non exhaustive, les assignations de mai 2015 contre Intermarché et Système U, toujours pour des pratiques abusives en négos.