Le projet de loi sur les négos, validé par les députés le 18 janvier, sera-t-il corrigé par les sénateurs ? La chambre haute a prévu d’étudier le texte en séance publique le 15 février, et le document qui leur a été remis est chargé d’une bombe potentielle. L’arbitrage ultime rendu par l’Assemblée nationale se propose en effet de légaliser la rupture brutale des relations commerciales.
Dans sa version originale, le projet de loi (soufflé par les grands industriels de l’Ilec) stipulait que faute d’accord à la date de clôture des négociations annuelles, le 1er mars, toute livraison supplémentaire se ferait au nouveau tarif du fournisseur, sans discussion. Une façon de mettre fin aux abus des distributeurs qui profitaient de la période de préavis de rupture pour exiger des livraisons aux anciens prix, retardant ainsi l’application des hausses.
Vent debout contre le projet, dans une unité rarement vue, les distributeurs dénonçaient un hold-up des grandes marques. Avec cette proposition, celles-ci faisaient basculer dans leur camp la possibilité d’abuser du système : aller délibérément à la rupture pour imposer leur tarif durant les longs mois de préavis.
Un cauchemar pour les PME
L’examen du texte en séance publique à l’Assemblée a changé la donne. Afin de couper court aux débats, les députés ont fait disparaître les préavis. Après le 1er mars, fournisseurs et distributeurs auront encore un mois, sous l’égide du médiateur des relations commerciales, pour trouver un accord ou une séparation amiable. Faute de quoi, au 1er avril, la relation commerciale sera rompue "sans que puisse être invoquée la rupture brutale définie à l’article L. 442-1 du code de commerce", précise le texte. Ce nouveau fonctionnement sera testé à titre expérimental, durant deux ans.
La décision est étonnante, tant ces préavis permettent normalement de sécuriser chaque partie d’une relation. Cet arbitrage, en particulier, est un cauchemar pour les PME. Par leur faible poids dans les ventes d’un rayon, elles sont les plus à même d’être déréférencées sans crainte par un distributeur, et ce sont aussi elles qui ont le plus à perdre tant chaque enseigne française pèse lourd dans leurs débouchés.
En voulant punir les distributeurs sans trop favoriser les multinationales, les députés sont en train de fragiliser, peut-être gravement, les petites entreprises. Les sénateurs chercheront-ils à corriger le tir ?
> Le plafonnement des promos sur l’alimentaire et la majoration de 10% du seuil de revente à perte sont reconduits jusqu’en 2026.
> Les pénalités logistiques sont plafonnées à 2% du prix des produits et ne peuvent plus s’appliquer à partir de 98,5% de taux de service (99% pour les promotions). Elles devront être déclarées chaque année aux pouvoirs publics, qui évaluera leur pertinence.
> L’amende maximum pour non-respect de la date butoir des négos passe de 375.000 euros à 1 million d’euros.
> Les clauses automatiques de révision des prix deviennent obligatoires de façon plus explicite pour être mieux utilisées.