Dépendance économique: une nouvelle loi protectrice ou destructrice ?

Comme souvent sur les sujets techniques, l'hémicycle était loin d'être comble pour le vote sur la dépendance économique

Un projet de loi sur la redéfinition de l'abus de dépendance économique vient d'être adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, ce jeudi 28 avril. Même la Feef, qui représente les PME, s'y oppose. Mais le législateur ne voit contre lui que des arguments de mauvaise foi.

L'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique est prohibée en France depuis 1986, mais fait concrètement l'objet de condamnations rarissimes. La difficulté étant, pour les juges, de définir précisément la dépendance économique d'abord, l'abus ensuite.

En 1986, l'état de dépendance supposait que l'entreprise (le fournisseur, dans le cas de la grande distribution) ne dispose pas de solution ou débouché équivalent en cas de rupture des relations commerciales.

En 2001, la loi NRE ("nouvelles régulations économiques") a supprimé cette nécessité de prouver l'absence de solution alternative. Et a élargi la notion de dépendance économique à tout état "susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence".

Conséquences "à moyen terme"

La proposition de loi votée ce 28 avril (dans un hémicycle loin d'être comble, comme souvent sur ces sujets techniques) élargit encore la définition en ajoutant que la concurrence peut être affectée "à court ou moyen terme". Jusqu'à présent, seules les conséquences à court terme étaient prises en compte.

En vue de mettre fin à une jurisprudence qui avait tendance à accumuler les critères nécessaires à la reconnaissance de la dépendance économique (poids du distributeur dans le CA, importance de l'enseigne sur le marché concerné, raisons qui ont conduit le fournisseur à concentrer ses ventes, etc.), le projet de loi résume la dépendance à deux éléments.

"D’une part, la rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur risquerait de compromettre le maintien de son activité, précise le texte. D’autre part, le fournisseur ne dispose pas d’une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d’être mise en œuvre dans un délai raisonnable."

Droit d'ingérence des distributeurs

Du côté de la Feef, on craint que cette question des "solutions de remplacement" n'incite les distributeurs à imposer leur droit de regard, voire d'ingérence, dans les affaires des petits fournisseurs.

Et, surtout, une plus grande facilité à définir la dépendance économique pourrait pousser les enseignes, par prudence, à moins travailler avec les PME. Un risque pointé également… par la fédération du commerce et de la distribution elle-même.

"Contactez les PME plutôt que les fédérations"

"Je trouve cet argument assez de mauvaise foi, a lancé aujourd'hui à l'Assemblée nationale Damien Abad, le rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s'agit ici de sanctionner l'abus et non l'état de dépendance économique. En aucun cas cette proposition de loi ne va mettre à mal des relations entre un distributeur et un fournisseur, du moment que ces relations sont pacifiées et qu'elles relèvent d'un commun accord."

"Je me suis permis de contacter directement des PME plutôt que de passer par des fédérations, a-t-il aussi ajouté, pour étayer ses arguments. Et je dis aux sénateurs [qui examineront le texte après les députés, NDLR] de se méfier de ce qu'on pourra leur raconter. Allez directement contacter vos PME, dans vos territoires !"

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