Covid-19 : Le poulet sauve la mise, les petites volailles s’effondrent
Si le poulet et la dinde s’en sont plutôt bien sortis grâce aux reports de consommation en GMS, d’autres espèces de volaille ont subi la crise de plein fouet : canard, pintade, caille, pigeon. Le point avec Jean-Michel Schaeffer, président d’Anvol, l’interprofession volailles de chair.
Quelle est la situation pour les filières volaille depuis le début de la crise ?
Elle est globalement dégradée. La consommation de volaille a augmenté de 10% en grande distribution mais cela n’a pas suffi à compenser la chute au niveau national, que nous estimons à - 5% tous débouchés confondus pour le poulet et la dinde. Pour certaines espèces comme le canard à rôtir, la pintade, le pigeon et la caille, la situation est catastrophique. Ces volailles étaient surtout consommées en restauration hors domicile. Pour le canard et la pintade, les ventes ont baissé de plus de la moitié. Pour la caille et le pigeon c’est pratiquement toute la clientèle qui a été perdue.
Et pour le poulet ?
La filière poulet a aussi été très impactée par la fermeture des marchés et de la RHD, notamment pour les poulets certifiés vendus en rôtisserie et pour les poulets destinés à la restauration rapide. Pour les éleveurs, cela signifie le doublement de la durée des vides sanitaires dans les bâtiments pour espacer la production. Il y a toujours eu dans nos filières de la contractualisation, elle a permis de sécuriser en partie les marges à l’unité mais la forte baisse des volumes a engendré une lourde perte de revenus pour les éleveurs.
Cela pèse-t-il sur les volumes de production disponibles ?
Non, tous les maillons de nos filières volaille se sont mobilisés pour nourrir les Français et je leur adresse un grand merci. Après la première semaine de tension, nous sommes plutôt dans une situation de légère surproduction.
Comment avez-vous fait face avec la grande distribution ?
Au début, étant donné la situation d’urgence, les distributeurs voulaient rationaliser leurs gammes, se concentrer sur les principales références. Nous avons réussi à les convaincre de maintenir ouvertes toutes leurs gammes et nous les en remercions. Les petites espèces de volaille ont aussi été repositionnées en partie en GMS au rayon libre-service, d’autant que dans certains magasins le rayon trad a été fermé. Mais cela n’a pas suffi à compenser les pertes de ces filières en restauration, sur les marchés.
Dans ce contexte, quelle est le premier bilan du poulet en GMS ?
Les ventes de poulets entiers se sont maintenues, y compris pour le Label rouge, et les achats de filets sont en croissance. C’est plus difficile pour les cuisses. Elles étaient beaucoup vendues en restauration avant la crise et elles sont moins achetées par les consommateurs en grande distribution. Nous sommes donc confrontés à un gros problème d’équilibre matière.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis des enseignes pour les semaines à venir ?
Franchement, les enseignes de la grande distribution ont montré jusqu’à présent de la bonne volonté pour nous aider à surmonter cette crise. Il faut continuer à avoir ensemble une bonne coordination. Nous souhaiterions aussi qu’il y ait davantage de mises en avant des volailles dans leur communication, à l’image de ce qu’elles ont déjà fait pour d’autres filières agricoles françaises.
Que demandez-vous aux pouvoirs publics pour faire face à la crise ?
Nous avons formulé plusieurs demandes au ministre de l’Agriculture. Il faut que nos industriels de la volaille puissent bénéficier des aides de l’Europe pour le stockage privé. L’idée est de congeler des volumes qui pourront être commercialisés plus tard dans l’année en restauration hors domicile.
Nous demandons aussi d’ajuster fortement à la baisse les importations de volaille hors UE, de façon temporaire. Pour pouvoir écouler les volumes français dans les mois à venir en restauration collective où la question de la place de l’origine France devra d’ailleurs être reconsidérée étant donné l’ampleur de la crise.
Enfin, il y a les aides financières. Il faut mettre en place un plan de financement pour nos filières en grandes difficultés où il y a même des risques pour la pérennité des cheptels reproducteurs. Il faut aussi revoir à la hausse les montants prévus par le fonds de solidarité pour les TPE dont les dispositions ne sont pas adaptées à la situation de nos éleveurs.
Propos recueillis par F. Carluer-Lossouarn