"La loi LME tue les relations commerciales, on est dans un jeu de dupes malsain avec les multinationales"

24 février 2023 - Patricia Bachelier

A deux jours de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing de Lidl France, répondait à une interview sur Linkedin Actualités. Le détail de ses propos sur les négos, la présence de l’enseigne au SIA, les effets pervers des lois Descrozaille et LME.

Les négociations tendues avec les fournisseurs

"Les négociations sont très tendues avec les fabricants de marques nationales, qui pèsent 10 % de nos ventes, car l’inflation est galopante et les demandes de hausse de tarif sont très importantes : entre 12% et 50%. Ces augmentations sont parfois délirantes et demandées sans justifications. Dans ce cas-là, on ne peut pas les accepter. Je ne mets pas tous les fabricants dans le même panier. Nous avons signé avec ceux qui ont fait preuve de transparence en apportant des factures. Mais, il y en a qui profitent de la situation inflationniste pour essayer d’augmenter leurs marges et c’est inacceptable."

Les trois objectifs de Lidl au salon de l’Agriculture

"Nous y seront pour la huitième année sur un stand de plus de 300 m². C’est un outil de communication auprès des 500.000 visiteurs que nous accueillons généralement sur 9 jours. Nous expliquons tout le travail que nous réalisons avec le monde agricole et distribuons des tonnes de lait, de fromages, de charcuterie, ainsi que des goodies."

"Ce salon est l’occasion pour moi de rencontrer des producteurs, des organisations syndicales et des industriels. L’avenir est très compliqué pour le monde agricole. Nous n’avons pas la prétention de pouvoir le sauver mais nous nous mobilisons pour le soutenir et préserver ainsi la souveraineté nationale."

« La troisième vocation de notre présence est politique. Mon objectif est de rencontrer le président Macron lors de son passage samedi. Je souhaite lui parler notamment du panier anti inflation, des négos tendues et de la loi de modernisation de l’économie. »

Les dangers du panier anti-inflation

"Si le panier anti inflation proposé par la ministre Olivia Grégoire est mis en place, nous le ferons. J’ai néanmoins déjà alerté sur un risque réel d’alimenter une guerre des prix. Car le propre d’un panier est d’être regardé par tous les concurrents. Les agriculteurs pâtiront directement de la baisse des prix sur les produits contenant de la matière première agricole et ce n’est évidemment pas souhaitable."

"Nous faisons déjà des efforts pour lutter contre l’inflation, notamment grâce à l’appli Lidl +, qui a été téléchargée par 8 millions d’utilisateurs. Nos clients ont accès à 20-25 produits en promo à –20% en moyenne. En ce moment c’est par exemple le cas sur l’entrecôte, les carottes, le filet de cabillaud, les poires et les pommes."

L’effet pervers des lois Descrozaille et LME

"Je suis d’accord avec l’article 1 de la loi Descrozaille concernant les centrales internationales et l’encadrement des promos [à -34% y compris sur le non-al, NDLR]. J’ai même poussé un amendement pour interdire toute promotion sur le lait, la viande et le porc. En revanche, l’article 3 [sur la négociation des tarifs et les préavis de rupture, NDLR] ne protège pas le monde agricole, ni les PME françaises, il protège juste les 90 multinationales qui sont affiliées à l’Ilec. Je le dis très clairement, je ne souhaite pas protéger ces grands groupes qui n’en ont pas besoin car ils peuvent se défendre tout seul et la plupart font 90% de leur business en dehors de la France. Transformons au contraire cet article pour protéger les 22.000 PME françaises, car il les fragilise tel qu’il est écrit aujourd’hui."

"La loi LME tue les relations commerciales, on est dans un jeu de dupe malsain avec les multinationales. Il faut la retoucher d’urgence si on veut un vrai impact sur les négociations. Partout ailleurs on construit un prix en partant des matières premières, des coûts de transformation, de distribution, de transport, etc. En France, on part d’un tarif qui sort d’un chapeau et on fait une déflation en négociant des services."

Plaidoyer pour le lait à 1 €

"Notre brique de lait ½ écrémé est vendue 0,95 €. A ce tarif, j’arrive à couvrir son coût de production et je suis prêt à aller jusqu’à 1 €. Quand tous mes concurrents vendent du premier prix à 0,80 €- 0,82 € c’est impossible de couvrir ces frais. Il faut arrêter de vendre des premiers prix qui détruisent de la valeur au détriment des éleveurs. En 10 ans, 100.000 d’entre eux ont mis la clé sous la porte et le rythme s’accélère. Dans 7 ans, la moitié des éleveurs partira la retraite sans repreneur. Si on veut continuer à manger français, il faut accepter de payer certains produits plus chers comme le lait à 1 €."

 

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