Covid-19 : la filière boucherie assure mais s’inquiète
A l’image de la volaille, la filière boucherie a fait le maximum pour faire face au pic d’activité des folles journées d’avant confinement. «Une première bataille vient d’être gagnée en répondant quasi instantanément à l’explosion de la demande des circuits commerciaux classiques que sont les GMS et les artisans bouchers», a souligné Jean-Paul Bigard (en photo), président de Culture viande, syndicat des principaux abatteurs-découpeurs.
Mais dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre et aux ministres concernés, le patron du numéro un du bœuf ne cache pas son inquiétude. La fermeture des restaurants et des cantines a déjà fait des dégâts parmi les industriels. «Le combat n’est pas terminé. Pour éviter que toute la filière viande ne s’ajoute à la liste des secteurs totalement sinistrés - c’est malheureusement déjà le cas des entreprises travaillant avec la RHD - deux risques majeurs imposent un traitement en urgence.»
Maintenir les effectifs dans les abattoirs
Jean-Paul Bigard appelle tout d’abord à une clarification des messages du gouvernement dans ses consignes de confinement. Ceci afin de maintenir les effectifs dans les abattoirs ainsi que sur les lignes de découpe et de transformation.
Le dirigeant pointe des incompréhensions entre «les développements sur le confinement d’un côté et l’obligation de travailler de l’autre», estime qu’il y a «des messages contradictoires à propos des masques : disponibles ou pas, utiles ou pas… ». Il craint qu’un sentiment d’inégalité de traitement (par rapport à ceux qui ne travaillent pas) ne mette à l’arrêt de nombreux salariés. «Sans clarification rapide des règles sécuritaires et appréciation des efforts consentis par les Pouvoirs Publics, la continuité de nos activités est en péril.»
Chevreau : 60% des ventes entre mars et mai
Par ailleurs, Jean-Paul Bigard souligne l’un des points de faiblesse des approvisionnements pour les semaines à venir : la continuité de toute la chaîne de production. Un grain de sable peut gripper la machine. «Notre activité est «d’importance vitale» mais elle serait à l’arrêt sans enlèvement des déchets (équarrissage), sans livraison des fluides frigorigènes et sans emballages (cartons, étiquettes, films…). Toute la filière doit se mobiliser.»
Sur le plan commercial, certaines interprofessions s’inquiètent à raison des répercussions de la crise sur des rendez-vous clés pour leurs viandes. C’est par exemple le cas de Pâques pour l’agneau mais aussi pour le chevreau (60% des volumes sont vendus entre mars et mai). Les sections ovines et caprines d’Interbev (Interprofession bétail et viande) en appellent donc à la mobilisation de tous pour «réussir les fêtes de Pâques».
Si la production est là, l’équation est compliquée côte consommation. Les regroupements pour les fêtes religieuses (Pâques juive, catholique, orthodoxe et Ramadan musulman) ont été interdits. La plupart des marchés ouverts ont étés interdits, la fréquentation a chuté en grandes surfaces et beaucoup de magasins ferment ou songent à fermer leurs rayons trad, étal boucherie compris. Les animations y ont été stoppées. Les ventes en drive ont explosé mais les viandes de boucherie y sont peu présentes, surtout pour des espèces comme l’agneau ou le chevreau.
Campagne radio sur l’agneau du 2 au 12 avril
Le message d’Interbev s’adresse donc en particulier à la grande distribution. Les deux présidents de section d’Interbev, Maurice Huet (ovins) et Franck Moreau (caprins), lancent cet appel : «Nous devons nous mobiliser pour que les viandes françaises d’agneau et de chevreau restent sur la table de nos concitoyens à l’occasion des fêtes de la période de Pâques afin de sauvegarder les filières ovines et caprines, deux filières importantes et sensibles en France parce qu’elles contribuent à faire vivre des territoires, entretenir des zones difficiles». Pour susciter la demande ou limiter la casse, Interbev Ovins va mettre en place un plan de communication en radio et sur les réseaux sociaux, du 2 au 12 avril.
En porc, le contexte international et domestique plonge la filière dans l’incertitude sur les semaines à venir, même si la situation semble pour l’heure sous contrôle. «Les cours en Europe devraient se stabiliser cette semaine selon certains opérateurs allemands. La demande intérieure reste correcte et le commerce à l’export, en particulier vers la Chine, revient à la normale», analyse-t-on au Marché du porc breton où est fixé le cours du porc (1,55 €/kg le 23 mars, stable). La profession bénéficie aussi du fort ralentissement d’activité des industriels italiens. Mais là encore, pour la filière porcine française, la capacité des abattoirs à maintenir leurs effectifs sera cruciale.