Boucherie : comment Terrena affronte-t-il la crise ?
Numéro 2 du bœuf et de la volaille, Terrena (Elivia, Galliance, Père Dodu, La Nouvelle Agriculture, Tendre & Plus, Sourires de Campagne ; 4,85 Mds € de CA) a fait face à la crise en réorganisant sa production. Son président Olivier Chaillou, producteur de céréales et éleveur de pondeuses plein air à Brissac-Loire-Aubance (49), revient sur cette situation inédite, en réclamant au passage des revalorisations de prix.
Linéaires : Comment votre coopérative Terrena a-t-elle supporté le choc du confinement ?
Olivier Chaillou : Les premières semaines de confinement ont bouleversé notre organisation et le quotidien de nos 14.000 salariés. Le taux d’absentéisme a grimpé à 10-15 %, de façon normale. Ce taux a un peu diminué depuis. Aujourd’hui, la situation est maîtrisée chez Terrena. Nous avons aussi la chance d’être présents sur l’agriculture et l’agroalimentaire, plutôt préservés par rapport à d’autres secteurs d’activité.
Quel est le principal problème auquel vous êtes confronté ?
Le problème de l’équilibre matière sur la carcasse est l’impact le plus important pour nous, surtout en viande bovine. Les pièces de l’avant sont transformées en steaks hachés mais avec la fermeture de la restauration hors domicile, nous avons des surstocks sur les pièces de l’arrière, les plus nobles. Nous en avons aussi sur les cuisses de poulet destinées à la restauration.
La situation est maîtrisée aujourd’hui mais cela va devenir un gros problème si la fermeture de la RHD perdure un ou deux mois supplémentaires. C’est pourquoi nous demandons que nos filières obtiennent des aides européennes pour du stockage en congélation.
Quelle est la situation pour votre activité en viande bovine ?
La production de steaks hachés a fortement augmenté avec le confinement. Nos viandes de qualité se vendent bien mais nous avons des difficultés sur les charolaises pour la grande distribution. Avec l’augmentation de l’absentéisme dans les magasins, la fermeture de certains rayons trad, nous avons dû réorienter notre production vers le steak haché et le libre-service. Les produits en barquette rassurent les clients sur le plan sanitaire mais nous incitons les consommateurs à varier leurs habitudes en achetant aussi du rumsteck, du filet, de l’entrecôte.
La mobilisation des enseignes a été forte sur l’agneau de Pâques. Quel est le bilan pour Terrena ?
Il y a eu effectivement une mobilisation de tous les acteurs de la filière ovine en l’espace de quinze jours pour réussir les ventes du week-end de Pâques. Résultat, chez Terrena, nous avons vendu tous les agneaux que nous avions.
Le contexte paraît assez favorable pour le porc, malgré la crise.
Chez Terrena, nous n’avons aucun problème pour vendre du porc. Au contraire, nous en manquons. Durant le confinement, nous avons réalisé l’une de nos meilleures semaines en nombre d’animaux abattus. Les flux sont tirés par la forte demande asiatique et il y a eu une bonne consommation de grillades avec la météo favorable.
Qu’en est-il de votre filiale volaille Galliance ?
L’activité de Galliance a globalement reculé de 5 % avec la fermeture de la RHD mais les volumes pour la grande distribution ont augmenté de 15 %. Dans cette situation exceptionnelle, nous avons eu un peu de mal à suivre la forte demande des enseignes avec qui nous avons d’ailleurs de très bonnes relations pour gérer la crise.
Certaines filières sont en grande difficulté. Il y a une surproduction en canard, nous allons devoir réduire les mises en place dans nos élevages. Comme pour le bœuf, nous incitons les Français à diversifier leurs achats de volailles françaises en consommant aussi du lapin et du canard et, pour le poulet, en achetant aussi des cuisses, des hauts de cuisse, des pilons, pas uniquement du filet.
La Fédération nationale bovine et la Fédération nationale porcine (FNSEA) dénoncent des prix trop bas pour les éleveurs bovins et porcins malgré la forte demande. Quelle est votre position ?
J’aimerais bien sûr une augmentation des prix pour nos éleveurs, c’était déjà un problème avant la crise. Mais il faut aussi garder à l’esprit que ce qui importe c’est le choix des clients en magasin.
La situation est complexe et très différente selon les catégories d’animaux mais il faudra une discussion au niveau des interprofessions et avec nos clients pour une bonne répartition de la valeur, pour la préservation de tous les acteurs des filières et des produits agricoles français. Il faut revaloriser le prix de nos produits, y compris celui des steaks hachés où nous devons inclure des pièces nobles pour pouvoir répondre à l’augmentation de la demande.
Terrena résiste, la situation est maîtrisée, mais il faudra ces revalorisations pour pallier les problèmes d’équilibre matière, pouvoir continuer à investir et compenser les nombreux surcoûts avérés qui sont apparus avec la crise : sur les emballages et leur disponibilité, le transport, les équipements sanitaires évidemment nécessaires pour protéger nos salariés.
Propos recueillis par F. Carluer-Lossouarn