Comment Système U bouleverse le rôle de la MDD

31 janvier 2017 - B. Merlaud

Comment Système U bouleverse le rôle de la MDD

Système U fait de la disparition des ingrédients indésirables dans ses gammes un marqueur fort de l'enseigne et un argument publicitaire. Le distributeur s'est lancé dans un chantier au long cours qui change le positionnement de sa MDD : parce qu'elle est "mieux disante", elle se retrouve parfois plus chère que la marque nationale.

"Notre rôle est de comprendre les craintes des consommateurs et de les rassurer jour après jour, assène Serge Papin, le président de Système U. C’est pour eux que depuis maintenant cinq ans nous travaillons à supprimer les substances controversées des produits U, en prenant le parti de ne pas nous réfugier uniquement derrière la réglementation mais bien d’aller au-delà de celle-ci."

Pour mener à bien son projet, le groupement a classé les substances controversées ("des milliers") en huit grandes familles : composants alimentaires, non alimentaires, additifs cosmétiques, pesticides, polluants, nanoparticules, etc. Dans cette liste, 90 substances ont été retenues pour être ciblées en priorité, en fonction des dangers qui lui sont associés, des autres réglementations internationales et de l'opinion publique sur le sujet.

Le distributeur s'est ensuite appuyé sur ses fournisseurs pour trouver des substituts à la fois efficaces (les additifs ne sont pas présents pour rien dans les aliments) et présentant évidemment un niveau de risque inférieur pour le consommateur ou l'environnement.

Des remous en interne

"Sans conséquence sur le goût, la qualité et le prix", promet-on chez U. S'agissant du prix, pourtant, le distributeur met parfois la barre vraiment plus haut que les marques nationales. Et ne peut pas, dans ces conditions, rester moins cher.

La question a suscité de nombreux remous en interne : les clients peuvent-ils accepter une MDD au même prix, voire plus chère que les grandes marques ? Le distributeur évite évidemment au maximum de se trouver confronté au problème. Mais pour quelques cas incontournables, le débat a été tranché : Système U ne renie pas ses engagements, reste ferme dans ses bottes et tient sa position. Tant pis pour le prix.

Linéaires a effectué plusieurs comparaisons de produits dans les rayons de Super U. Le plus souvent, la MDD U reste plus compétitive que la marque nationale, alors que son cahier des charges est plus exigeant (en tout cas pour les substances ciblées par le distributeur).

Caramel ammoniacal

Système U a banni le glutamate de sodium de ses chips saveur barbecue U (0,77 euro les 135 grammes). Mais pas Lays (1,00 euro les 130g).

Il a supprimé l'huile de palme de sa pâte à tartiner (2,99 euros les 750g), contrairement à Nutella (3,97 euros les 750g), pour y mettre de l'huile de colza.

Dans ses biscottes six céréales (1,10 euro les 300g), le distributeur a remplacé le sirop de glucose-fructose par du sucre et l'huile de palme par de l'huile de tournesol. Pas Heudebert (1,30 euro les 300 g).

Le vinaigre balsamique de Modène IGP des U (0,98 euro les 50cl) ne contient pas de caramel ammoniacal E150d. Celui de Maille (3,78 euros les 50cl) si.

Au rayon surgelés, en revanche, les bâtonnets de poisson U sans huile de palme (3,19 euros les 600g) se retrouvent quasiment au même prix que les Croustibat de Findus, sans huile de palme également (3,22 euros les 615g).

U plus cher que Yoplait

Des produits U plus chers que l'équivalent à marque nationale

Encore plus déroutant pour le consommateur, les yaourts 0% (ni sucres ajoutés ni matières grasses) à marque U sont vendus plus cher que leur équivalent chez Yoplait : 1,91 euro pour les premiers, 1,78 euro pour les seconds (pour 8 pots de 125g). Contrairement à Yoplait, U a remplacé l'aspartame par du sucralose.

Autre exemple : la cup de nouilles déshydratées U saveur poulet s'affiche 1,29 euro les 70g contre 1,15 euro les 60g pour celle de Lustucru. La marque nationale continue d'utiliser de l'huile de palme, du caramel ammoniacal et du glutamate de sodium. U les a bannis de sa recette. Qui, au passage, ne contient tout de même aucune trace de poulet mais aligne les exhausteurs de goût, les arômes et les polyphosphates.

Il ne faut pas croire, d'ailleurs, que les U ne fassent aucune concession sur les listes d'ingrédients. Le nettoyage des produits n'est pas encore terminé et, dans de nombreux cas, faute d'alternative crédible (d'un point de vue technique ou financier), les substances controversées sont toujours présentes. Au rayon biscuits, en particulier, les matières grasses de palme ou de palmiste, ainsi que le sirop de glucose, sont encore incontournables.

Des argumentations minces sur les packs

Le combat des U contre les ingrédients controversés (et pour l'heure parfaitement légaux) est évidemment louable. Le consommateur, dans son canapé, ne peut qu'y adhérer. Mais face au rayon, son comportement est autrement plus difficile à faire changer. Système U prend un risque en renchérissant sa MDD, d'autant plus important que les argumentations sur les packs restent encore très minces (il n'y a guère que l'absence d'huile de palme qui est mise en avant). Mais ce risque est calculé : en 2013, déjà, les premières MDD "chères" ont fait leur apparition chez U. Le distributeur a eu le temps d'en tirer des enseignements sur la réaction des clients.

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