Deux hypermarchés exploités près de la frontière suisse
Migros Etrembières : une enseigne suisse en France
Deux petits Français pour un Suisse. Depuis une dizaine d’années, le groupe helvète Migros exploite en effet sous sa propre enseigne deux hypermarchés à Thoiry, dans l’Ain, et à Etrembières, en Haute-Savoie. Deux magasins originaux, atypiques dans le paysage hexagonal.
D’abord parce que Migros n’est pas un distributeur ordinaire. Sur les 13 milliards d’euros de chiffre d'affaires qu’il a réalisés en 2003, 9 sont à mettre au compte de ses 531 hypers et supermarchés. Mais le groupe compte également 14 industries (allant du fabricant de chocolat à celui de cosmétiques), des grands magasins, des agences de voyage, une banque, des golfs et même quelques titres de presse ! Deux magasins atypiques, ensuite, parce que ces deux hypers, dans leur concept, leur mode d’approvisionnement, se distinguent nettement de leurs homologues hexagonaux.
« L’implantation de Migros en France répondait à un objectif simple, explique Guy Vibourel, directeur de la coopérative Migros-Genève (dont dépendent les deux hypers). Se rapprocher de zones urbaines importantes où la population nous connaissait déjà, Français travaillant en Suisse ou Suisses possédant une résidence secondaire en France. Par la suite, ces deux magasins nous ont permis de récupérer une partie de l’évasion commerciale engendrée par la hausse du franc suisse (une évasion estimée à un milliard de francs suisses pour le commerce frontalier). » Thoiry (6 000 m²) a été ouvert en 1993 et Etrembières (5 000 m²) en 1994. Depuis, aucun autre magasin n’a vu le jour en France et il paraît peu probable que Migros puisse ouvrir un nouvel hyper dans la région. Mais le Suisse ne dédaignerait pas accroître son parc avec des supermarchés.
Une clientèle à fort pouvoir d’achat
En 2003, les deux hypers ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires de 108 M€, à peu près également réparti (à Etrembières, la zone de chalandise, urbaine, est plus dense). Côté fréquentation, la stratégie de Migros se vérifie : quatre clients sur dix sont des Français travaillant en Suisse et deux sur dix sont suisses (les autres étant des Français travaillant en France). Bref, voilà déjà 60 % de la clientèle qui dispose a priori d’un fort pouvoir d’achat.
Si cette zone de chalandise atypique autorise quelques audaces en matière d’assortiment (plus de haut de gamme que de premiers prix), Migros a surtout dû jouer avec plusieurs contraintes. En Suisse, grâce à son exceptionnel outil de production, l’enseigne se plaît à ne proposer quasiment que des MDD (90 à 95 % de l’offre !). Dans l’alimentaire, les signatures d’industriels (les « marques tierces », en langage Migros) se comptent sur les doigts des deux mains : Kellogg’s, Zweifel (chips), Nestlé (baby food), Ferrero, Contrex, San Pellegrino et Knorr à partir d’avril. Autant dire pas grand-chose.
Dans les magasins français de Migros, pourtant, les assortiments sont plus conventionnels. Les marques propres du groupe couvrent environ 15 % de l’offre (elles devraient bientôt arriver à 30 %). D’abord pour que la clientèle retrouve des marques qu’elle connaît, mais aussi parce que tous les produits suisses ne peuvent pas être vendus dans l’Union Européenne, et donc en France : pour des questions sanitaires (viandes) ou à cause des normes de fabrication (appareils électriques).
Du coup, la structure d’approvisionnement des hypers français de Migros est pour le moins originale. En complément des références venues directement de ses entrepôts suisses, le distributeur se tourne vers une plate-forme Cora. Histoire de bénéficier de conditions d’achat en France qu’il n’obtiendrait évidemment pas seul. En revanche, sur certains produits frais, les magasins privilégient la relation directe avec un parti pris qualitatif. Le chef boucher d’Etrembières, par exemple, accompagne régulièrement son fournisseur dans le charolais et n’achète que des carcasses Label Rouge.