Leclerc Clermont : le plus insolite des hypers
Une sobriété absolue règne dans cet hyper, fraîchement agrandi : ni affiche, ni TG, ni même un prix… Et les produits y sont présentés sur tablette verre ! Le résultat est à la fois très séduisant et déroutant… mais les clients en redemandent.
« Je voulais me faire plaisir et je me suis fait plaisir ». Michel Buchard a fait un magasin à son image. Toute la philosophie de cet adhérent Leclerc pourrait tenir dans cette phrase : « J'aime l'architecture, l'ordre, la propreté, le silence et l'espace. » Très discret vis-à-vis des médias (il refuse d’être pris en photo et a accepté exceptionnellement la visite de Linéaires), l'homme est pourtant connu comme le loup blanc dans le Mouvement. « Filleul » d'André Jaud (le bras droit historique d'Edouard Leclerc), il est à l'origine de l'expansion de l'enseigne en Auvergne (il créa la Scacentre) où il exploite les deux Leclerc de Clermont-Ferrand depuis bientôt 30 ans. Avec toujours la même recette, totalement atypique.
Pas d’étiquettes prix sur les tablettes
Fraîchement agrandi à 9 250 m2 (contre 5 036 m2), le Leclerc de La Pardieu est ainsi tout à l'image de son propriétaire…. et en décalage complet avec les standards habituels de l'hyper. Pensez donc, un magasin sans aucune promo, TG ou mise en avant ; où la moindre affiche et signalétique sont bannies ; où 100 % des rayons LS sont équipés de tablettes en verre et où les ELS collent les étiquettes prix sur chaque unité de vente, à l’ancienne ! L’œuvre d’un fou, pensez-vous ? Détrompez-vous. Si Michel Buchard a des idées très personnelles sur l’hyper idéal, il n’a rien d’un farfelu. Dans le Mouvement Leclerc, il est de notoriété que ses deux magasins de Clermont (La Pardieu et Le Brézet) sont parmi les plus productifs du groupement. L’adhérent se refuse à communiquer des chiffres, mais d'après nos informations, le magasin de la Pardieu dépasse les 17 000 € de CA/m2, hors carburant. De quoi situer le débat…
L’excellence opérationnelle en action
Attribuer la réussite du magasin à la seule ambiance hyper « zen » qu’il dégage serait néanmoins faire fausse route. Dans la « méthode Buchard », le cœur du réacteur est ailleurs. Ici, l’expression « excellence opérationnelle » trouve tout son sens. « Je n'imagine pas que des palettes traînent encore en rayon à 9 h », illustre l’adhérent. Ce qui en dit long sur le niveau d’exigence quant à la tenue des rayons au quotidien… La Pardieu c’est aussi une zone marché largement au-dessus de la moyenne sur tous les stands. La largeur de l’offre est proprement impressionnante. Un seul exemple : douze recettes de plats cuisinés en poêlons à la rôtisserie un jeudi… « Nous avons élargi tous les rayons du magasin qui étaient en demande croissante… pas ceux qui dégageaient la meilleure rentabilité. C’est donc surtout l’alimentaire qui en a le plus profité », explique Michel Buchard.
Last but not least, les prix. Invariablement, les deux Leclerc auvergnats se classent autour de la 40e place au national (soit dans les 10 % des meilleurs Leclerc), avec un indice Opus autour de 94. « Plutôt que le yo-yo, je préfère la stratégie du rouleau compresseur, avec des prix bas en permanence », assure l'adhérent, sans forfanterie.
Ne pas tuer l’esprit pionnier
Bref, à Clermont Ferrand, Leclerc se montre intraitable sur les fondamentaux. Tout est là… « La gestion a commencé à prendre le pas sur le commercial puis le juridique a pris le pas sur la gestion, déplore l’adhérent. C’est comme cela qu’on a tué l’esprit pionnier. Il ne faut pas perdre de vue l’objectif premier : rendre la vie agréable à nos clients. » C’est ainsi qu’une réflexion spécifique a été menée sur l’attente en caisses (l’hyper compte 48 postes) ou la largeur de la place de parking, par exemple.
Pourquoi faire des « magasins de pauvres » ?
Pour sobre qu’il soit, le résultat final est bluffant et a beaucoup d’allure. On pourrait même se croire chez Fauchon en voyant son stand « Secrets des saveurs » (voire photo pages suivantes). Too much ? C’est peut être ce que penseront certains clients, plus sensibles à l’apparence qu’à la réalité des étiquettes. La concurrence locale joue en tout cas sur cette ambiguïté potentielle à l’instar du Auchan voisin qui interpellaient ses propres clients sur le mode « A votre avis, qui paie les travaux de Leclerc ? » peu après l’inauguration… « C’est dégueulasse. Parce que c’est la crise, il faudrait faire des « magasins de pauvres » ? » , s’insurge Michel Buchard. « Mais je ne cherche absolument pas à donner de leçon à qui que ce soit. Je suis ma propre route et c’est tout. » La réussite plaide pour lui…