Vers l’ultra-discount…
Nés dans les années quatre-vingt, les déstockeurs ont le vent en poupe en cette période de crise. Comme pour le hard discount, de plus en plus de Français franchissent leurs portes, toutes catégories sociales confondues.
« Vu les temps qui courent et ayant de tout petits revenus, je recherche des déstockeurs alimentaires dans un rayon Toulon-Aubagne-Marseille. Je suis même prête à aller sur Aix et Plan de Campagne si besoin. » Depuis quelques mois, les messages de ce type fleurissent dans les forums de discussion sur Internet. Crise oblige, la chasse aux bonnes affaires est ouverte. Une enquête menée récemment par TNS Sofres en atteste : « 42 % des Français ont réduit leur achats en alimentaire depuis la fin 2008, contre 17 % seulement en produits de beauté, souligne Dominique Lévy, directrice associée. 22 % des personnes interrogées disent qu’elles cherchent d’autres lieux pour acheter moins cher. « Acheter radin » n’a plus rien de honteux. Au contraire, c’est devenu valorisant. »
Environ 300 magasins
Les Français découvrent ou redécouvrent les charmes des déstockeurs. « Comme pour le hard discount, les clients sont issus de toutes les catégories sociales », note Marceau Vidrequin, patron de Bravo les affaires. Les prix sont imbattables. Pourtant au taquet sur les grandes marques, ce Leclerc nantais ne peut pas lutter contre un Destock Ouest tout proche : 0,55 € contre 1,32 € le sachet de 125 g de chips Bret’s, 0,70 € au lieu de 1,55 € le Schweppes 1,5 l, 0,40 € contre 0,55 € les snacks goût fromage Eco + 125 g, etc. Des tarifs canons obtenus sur des produits en fin de vie ou déclassés. Les prix n’expliquent pas tout. Ces dernières semaines, télévisions, radios et journaux ont braqué leurs projecteurs sur ces magasins très discrets.
Né dans les années quatre-vingt, le circuit a longtemps vivoté. « Lorsque j’ai commencé il y a dix ans, c’était très dur », explique ce directeur d’un magasin de déstockage du Sud de la France. Le parc est d’ailleurs limité. Cumulées, les huit principales chaînes exploitent moins de 250 magasins, auxquels il faut ajouter des enseignes n’ayant qu’un ou deux magasins : Hyper primeur, La ferme du Spahi, O’Circus (appartenant au groupe Alpha Prim), Le Marché entrepôt et autres magasins de dégagement près de Rungis, Destock now à Montlouis-sur-Loire (37), Au fil des lots à Rennes et Cholet ou Ecomalin à Rochefort et Saint-Jean d’Angély (17).
Une odeur de souffre
Des groupes plus structurés émergent néanmoins. A commencer par Noz : 160 magasins et 200 M€ de chiffre d’affaires. Derrière l’enseigne se cache un groupe méconnu, Futura Finances, dirigé par Rémy Adrion. L’aspect rudimentaire des magasins est trompeur. Cette ancienne acheteuse de Noz décrypte : « C’est une image soigneusement entretenue mais derrière la façade obsolète il y a une machine extrêmement performante, très pointue dans le suivi des ventes. »
Les déstockeurs n’intéressent pas que les ménagères et les médias. Début mars, la DGCCRF a lancé ses limiers sur la piste d’éventuels dépassements des DLC. Dans les faits toutefois, ces pratiques sont rares car trop risquées. S’agissant des DLUO (épicerie, liquides), la plupart des déstockeurs retirent les produits avant la date fatidique. D’autres continuent à les écouler mais ce n’est pas interdit par la loi, à condition de bien informer les clients. Début mars, dans la banlieue de Lille, un journaliste de radio tendait discrètement son micro aux ménagères sortant de magasins de déstockage. Il semble que l’attrait des prix bas l’emporte sur l’odeur de souffre qui flotte autour de ce circuit : « Si les produits sont en rayon c’est que c’est légal, explique une cliente. Et puis moi j’ai quatre enfants alors en ce moment j’ai vraiment besoin de venir ici. »