Philippe Boutron, Président des enseignes Intermarché et Ecomarché : "Nous avons réduit les assortiments de 8 %"
Il y a un peu plus d’un an, les Mousquetaires annonçaient une réduction drastique de leur offre. Pourquoi ce choix, a priori surprenant ?
Intermarché vivait un paradoxe étonnant. Nous étions l’enseigne de supermarchés qui détenait le plus de références et nous étions pourtant perçue comme celle qui proposait le moins de choix ! Ce phénomène pouvait s’expliquer notamment par la part importante que nous accordions à nos PNM/PNF (les MDD dans le jargon Mousquetaire).
Nous avions en parallèle un problème majeur : nous détenions 16 000 références sur entrepôt alors que les magasins n’en proposaient en moyenne que 12 500. Chacun composait son offre à sa guise et pas toujours de façon très rationnelle. Sur le plan logistique, cette rationalisation des gammes nous a permis de fermer quatre entrepôts et de faire des économies substantielles. Il était nécessaire de regagner de l’efficacité économique sur la logistique. C’est un enjeu majeur pour qui prétend pratiquer le discount.
Au-delà de cette dimension de maîtrise des coûts, vous pensez donc détenir aujourd’hui une offre plus efficace commercialement ?
Certainement. On nous a parfois reproché d’avoir une gamme « d’acheteurs » plus que de « vendeurs ». Il y avait une absolue nécessité à proposer des assortiments plus en phase avec les attentes des clients. L’innovation, par exemple, qui est stratégique pour la dynamique des marchés, a trop souvent été utilisée chez nous comme un outil de négociation. Résultat, nous « rentrions » les nouveautés plus tard que les concurrents. Parfois même peu de temps avant qu’elles ne soient arrêtées pour celles qui ne fonctionnaient pas !
Concrètement, avez-vous atteint vos objectifs quantitatifs de réduction des assortiments ?
L’offre a été réduite en moyenne de 8,2 %. Dans le détail, la réduction atteint – 11,6 % dans les petits magasins (800-1 000 m2) et - 8,1 % sur le format 1 000-2 500 m2. Avec 11 000 références dans nos grands supermarchés, nous sommes désormais dans la norme de la concurrence. On peut noter que nos plus grandes surfaces sont moins concernées par la rationalisation : - 0,8 % sur les 2 500 à 4 000 m2 et + 0,7 % sur les plus de 4 000 m2.
Pourquoi les grandes unités sont-elles « épargnées » ?
D’abord parce que, par définition, ces magasins ont vocation à proposer nos tailles d’assortiments les plus larges. Nous développons aussi l’offre non-alimentaire dans tous les formats et ceux-là en particulier. C’est un choix stratégique. Nous avons un gisement de croissance très important sur les marchandises générales. Le concept Mag 3 permet de réallouer du linéaire en ce sens. Il ne faut pas en conclure que nous désinvestissons dans l’alimentaire pour autant. Au contraire, les produits frais en particulier restent au cœur de notre stratégie. Nous voulons maintenir les rayons traditionnels, contrairement à beaucoup de nos confrères.
Cette volonté stratégique tant sur le non-al que le frais se traduit-elle dans les chiffres ?
Tout à fait. Nous avons gagné 1,3 point de part de marché sur les produits frais traditionnels et 0,8 point sur le non-alimentaire sur l’année écoulée.
Au-delà, quelles sont les performances d’Intermarché depuis le début de l’année ?
Si l’on s’en tient à la simple croissance des ventes, le chiffre d’affaires affiche + 4,7 % depuis janvier. C’est un chiffre très encourageant.
Revenons aux assortiments. L’effort de rationalisation touche-t-il aussi les MDD ?
Elles sont concernées de la même façon. L’offre à marques nationales a été réduite de 8,2 % chez nous (contre – 2,6 % en moyenne dans les SM +). Cela nous permet de rentrer davantage d’innovations. En parallèle, l’assortiment MDD a lui aussi reculé de 8,1 %, quand la moyenne des gammes MDD de la profession affiche + 4,4 % sur l’année écoulée. Au-delà de la taille de l’offre MDD, nous avons fortement rationalisé le nombre de nos marques pour capitaliser sur les plus connues, comme Pâturages de France, par exemple. Leur nombre est passé de 200 à 50 sur l’alimentaire (hors boissons) et les produits sont désormais cautionnés par les Mousquetaires (cf. Linéaires n°218 p.33)
Nous fabriquons 40 % de nos produits (PNF) et les PNM/PNF représentent au global 50 % de nos volumes. C’est considérable et cela nous donne un réel avantage compétitif dans le contexte actuel de baisse des prix sur les marques nationales.
En faisant de la péréquation de marge ?
Oui, mais il faut savoir rester très prudent en la matière. Il ne faut pas céder à la tentation d’augmenter les prix des articles MDD quand dans le même temps les marques sont à la baisse. Sinon on ne vendra plus de MDD ! On voit déjà des grandes marques moins chères que les marques distributeurs en promo.
Cette question va devenir centrale si l’on passe demain à une logique de « triple net »…
Il est certain qu’il va falloir faire des arbitrages. On ne pourra pas continuer éternellement à investir massivement dans les prix tout en augmentant la pression promotionnelle comme c’est encore le cas depuis le début de l’année.