Petits arrangements avec les grossistes
Proposer des produits différenciants
« Nous permettons aux magasins de mettre de la vie dans leurs rayons, explique un grossiste de l’Ouest. Sinon, ils ne proposeraient parfois qu’une seule référence par fruit et quelques tomates, toutes les mêmes. Nous avons une profondeur de gamme qu’une centrale ne peut pas avoir. On gère une trentaine de variétés de pommes. » Parmi les initiatives les plus originales, on peut citer celle des adhérents du groupe Creno, avec leur gamme de fruits pour enfants Merci Maman. Bananes, pommes, poires et clémentines sont vendues en vrac, mais toutes au même prix, à 1,85 €/kg ou 1,89 €/kg, afin de faciliter l’acte d’achat. D’autres grossistes évoquent des produits originaux (oranges Cara roses) ou haut de gamme (tomates Jouno, agrumes Mademoiselle, etc.). Autant d’occasions pour les magasins de se distinguer de la concurrence.
Adapter son offre à sa région
Pour proposer certains fromages d’Auvergne, de Suisse ou des Pyrénées, il faut parfois sortir du cadencier des centrales et se tourner vers des affineurs ou des grossistes spécialisés. Même chose pour le rayon marée, par exemple, où l’offre nationale ne colle pas forcément à toutes les spécificités locales. « Moi, je travaille au maximum avec la centrale, précise un indépendant costarmoricain. Mais pour le homard, s’il vient du Canada ou du Guilvinec, ça ne m’intéresse pas. Mes clients préfèrent celui qui est pêché sur Erquy. Je travaille avec un mareyeur du coin qui me fournit aussi des huîtres de Cancale, des tourteaux, des araignées, etc. »
Réagir en cas de rupture
Ils ne veulent (et ne peuvent) pas vivre que de ça, mais c’est ce rôle qui confère encore aux grossistes une véritable légitimité. Ce n’est pas vers sa centrale qu’un chef de rayon pris de court se tourne en fin de journée s’il s’aperçoit qu’il manquera de pêches ou de melons le lendemain matin. Souvent moins éloignés que les plateformes, plus réactifs, certains grossistes affirment même pouvoir livrer un magasin quelques heures seulement après la commande. Un service qui se paye au prix fort ? Pas systématiquement, aux dires de Gérard Le Saint : « Nous sommes un peu plus chers que les centrales, mais sans être déphasés ». Un avis que ne partagent pas tous les distributeurs. « Je préfère parfois faire l’impasse sur un produit majeur plutôt que d’engraisser les grossistes », lance un cadre d’un grand hyper du Sud-Ouest.
Réaliser de beaux coups
Là encore, le débat fait rage entre défenseurs des achats centralisés et indépendants attachés à leur… indépendance. En règle générale, les tarifs des centrales sont plus avantageux que ceux des grossistes. Leur puissance d’achat n’est pas la même. Mais, ponctuellement, ces derniers sont capables de proposer des opérations très intéressantes aux magasins, parce qu’ils travaillent sur des circuits plus courts, mais aussi car ils commandent souvent leurs produits au jour le jour et profitent de chaque bonne opportunité. « Les grossistes sont à l’affût de coups sympas par rapport au prix chez les expéditeurs et les importateurs, confirme un directeur de super dans le Sud de la France. C’est plus linéaire en centrale. »
Des animations pour pas un rond
« Prendre tel ou tel volume contre la promesse d’une animation, c’est du marchandage », déplore le responsable produits frais d’un grand hyper d’Ile-de-France. Certes, mais beaucoup de ses collègues n’en font pas un cas de conscience. Ce que confirme un petit grossiste de l’Est : « Dans les hypers, il ne faut pas arriver les mains vides. Si vous ne proposez pas un service clé en main, avec animation, PLV et mise en place, vous n’entrez pas. » Alors tous les grossistes se plient à cette coutume et rémunèrent eux-mêmes les animateurs chargés de vendre la marchandise achetée par les magasins. Au final, l’affaire est souvent rentable pour les deux parties. Le fournisseur n’intègre la plupart du temps qu’une toute petite partie du coût de l’opération dans ses marges, mais se rattrape sur le volume écoulé. Un opérateur se rappelle avoir ainsi « passé 20 tonnes de pommes, poires, oignons et légumes, en deux jours, lors d’une vente parking chez un indépendant ».
Des mises au carré sans payer
Autre service auquel les magasins tiennent énormément : l’aide à la mise en rayon. « On a des gens spécialement embauchés pour mettre en place notre marchandise tous les matins, explique un grossiste basé en Champagne-Ardenne. Et, bien sûr, ils donnent aussi un coup de main pour le reste et même pour réimplanter le magasin. » Certains de ses collègues appellent ça une « assistance technique », d’autres un « service de proximité ». En réalité, il s’agit d’une mise au carré régulière des rayons. Un opérateur de gros avoue même fournir du personnel à des magasins pour pallier l’absence d’un chef de rayon. « On leur met quelqu’un de chez nous, parfois pendant une semaine, à condition qu’il passe ses commandes ici. »
Des conseils de pros
Le conseil est l’une des grandes forces du grossiste que tente de mettre en avant Denys Anthonioz, directeur marketing et développement commercial du groupe Creno. « Nous connaissons parfaitement les fruits et légumes, affirme-t-il. Nous travaillons avec les GMS, les détaillants, les gens du marché, la RHD. Nous sommes en contact avec des producteurs tous les jours. Nous sommes des experts en ce qui concerne l’offre, l’implantation, la théâtralisation, la promotion… » Dans des rayons aussi techniques que la marée ou les F&L, les conseils des commerciaux de chez Pomona, Creno ou autres sont, en effet, rarement superflus. Surtout quand on connaît le turnover important au niveau des chefs de rayon. « Avec eux, on échange sur le produit, la façon de gérer le rayon, explique le poissonnier d’un hyper du Sud de la France. Au téléphone, avec notre centrale, on ne parle que de prix. »
Reprises et ristournes
La ristourne, ou plutôt la coopération commerciale, existe toujours entre GMS et grossistes. Elle va plutôt vers la centrale si ces derniers y sont référencés, mais elle peut directement tomber dans la poche du directeur du magasin ou même du chef de rayon. En espèces ou en petits cadeaux. « On l’intègre dans les prix », confirme un opérateur de gros, avant de préciser que « ces pratiques ont tendance à diminuer ». Autre phénomène étonnant : la reprise des invendus. « Avec les produits frais, c’est un coup à mettre la clé sous la porte », lance un intervenant. Oui, mais certains grossistes y sacrifient encore. « On essaie de s’arranger avec les magasins, raconte l’un d’eux. On les repasse ensuite à droite et à gauche, à des gars des marchés qui peuvent les solder. »