Négos : des clauses de Carrefour condamnées de façon définitive

3 novembre 2016 - B. Merlaud

Négos : des clauses de Carrefour condamnées de façon définitive

La Cour de cassation vient de confirmer la condamnation de Carrefour pour des clauses contractuelles abusives. Conditions d'approvisionnement, contrats date et délais de paiement : les juges ont estimé que les exigences du distributeur généraient un déséquilibre significatif en sa faveur.

Après les arrêts contre Système U et Auchan cet été, cette décision restreint un peu plus le champ des négociations annuelles qui démarrent.

Cette affaire trouve son origine dans la vague des assignations lancées en 2009 par le ministère de l’Économie.

Dans un premier jugement en 2013, le tribunal de commerce d’Évry n'avait que très partiellement condamné Carrefour, pour la seule clause de "retour des produits détériorés par la clientèle". Le distributeur faisait peser la responsabilité de cette détérioration sur le fournisseur dès lors que les emballages promotionnels pouvaient inciter les consommateurs à les éventrer, par exemple pour récupérer un cadeau glissé à l'intérieur.

Débouté de ses autres demandes, Bercy avait contesté le jugement et obtenu, en 2014, une condamnation plus large de Carrefour par la cour d'appel de Paris. C'est ce jugement que la Cour de cassation, cette fois suite à un recours de Carrefour, a confirmé le 4 octobre 2016.

Plusieurs clauses sont considérées comme abusives dans deux documents contractuels : les conditions générales d'approvisionnement et la convention de partenariat du distributeur. Pour sa défense, Carrefour faisait valoir que la cour avait étudié "des contrats type qui n'avaient pas nécessairement vocation à être signés en l'état", et que ses exigences pouvaient de toute façon trouver une contrepartie dans les prix fixés par les fournisseurs.

Des arguments balayés aussi bien par la cour d'appel que par la Cour de cassation. Les juges ont pointé trois éléments de la relation contractuelle qu'ils ont estimés illégaux.

Les retards de livraison

Sur les livraisons, d'abord. Dans son contrat, Carrefour se réserve le droit de refuser tout ou partie d'une livraison en cas de retard d’une heure (voire d’une demi-heure pour les produits frais et en flux tendus), en laissant les frais à la charge du fournisseur et en lui appliquant en sus des pénalités financières. Tout changement de créneau qui n'est pas négocié 24 heures à l'avance ouvre les mêmes prérogatives au distributeur, sans qu'il ait besoin de justifier l'impossibilité de réceptionner la commande.

"Les conditions générales d’approvisionnement prévoient le montant et le mode de calcul de la pénalité applicable au fournisseur, lui conférant un caractère automatique", observent les juges. À l'inverse, en cas de retard à la réception imputable à Carrefour, ces mêmes conditions "se contentent de renvoyer à une négociation préalable pour fixer la pénalité qui serait due par les sociétés Carrefour, ce qui donne à cette sanction non chiffrée un caractère éventuel". D'où, en l'état, "une absence de réciprocité et une disproportion entre les obligations des parties".

Les DLC et DLUO

Sur la gestion des dates limite de consommation, ensuite. Carrefour s'autorise à refuser des marchandises dont la DLC ou la date limite d’utilisation optimale serait identique à celle d'une précédente livraison par le fournisseur. Même si cette situation n’occasionne aucune désorganisation des stocks du distributeur, et même si le contrat-date, fixant le délai nécessaire pour que les marchandises soient vendues dans de bonnes conditions de fraîcheur, reste par ailleurs respecté.

La Cour y voit "une disproportion dans les droits des parties que les impératifs de sécurité et de fraîcheur des produits, comme le risque de désorganisation des entrepôts ou des magasins, ne justifient pas".

Les délais de paiement

S'agissant des délais de paiement, la Cour rapproche, pour les condamner, des clauses provenant des contrats de vente (règlement des marchandises par le distributeur) et de coopération commerciale (services à la charge du fournisseur).

Une méthode que Carrefour a d'ailleurs contestée, estimant que "l’existence d’un déséquilibre devait être examinée à l’aune de chacun de ces contrats pris individuellement et non en extrayant artificiellement une clause de chacun d’eux pour les confronter".

Les factures liées aux prestations de coopération commerciale sont payables à 30 jours, sous forme d’acomptes réajustés chaque mois en fonction des volumes effectivement vendus. Les fournisseurs, eux, sont réglés par Carrefour dans un délai de 45 jours pour les produits non alimentaires.

Les juges considèrent que "cette situation crée un solde commercial à la charge du fournisseur, source d’un déséquilibre significatif, peu important que les délais de paiement concernent des obligations différentes".

En statuant en faveur de l'arrêt de la cour d'appel, la Cour de cassation a également confirmé la condamnation de Carrefour au versement d'une amende de 500.000 euros.

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