Méthanisation : le pari du Leclerc de Ville-la-Grand (74)
Olivier Magré, adhérent Leclerc à Ville-la-Grand (79) voit le bout du tunnel administratif pour l’installation de sa centrale de méthanisation. Découvrez son projet, son parcours.
A Ville-la-Grand (74), l’adhérent Leclerc vient au terme de longues démarches pour installer sa propre centrale de méthanisation. Initié dès la fin 2019 avec la solution Biobeebox (de l’entreprise Be and Co), le projet pourra être lancé pour l’été 2023.
Alors que la commune a tout fait pour encourager cette installation, le dossier ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) a été longtemps bloqué en préfecture où les équipes, novices en la matière, se renvoyaient la patate chaude. Les services de sécurité ont également dû donner leur aval.
500 t de biodéchets traitées
Cette lourdeur administrative est le lot de tout pionnier. « Au Royaume-Uni ou en Chine on trouve beaucoup de petits méthaniseurs. En France c’est encore rare », glisse Olivier Magré, l'adhérent Leclerc de Ville-la-Grand, dont l’installation est dix fois plus petite que les projets agricoles classiques. A proximité de son drive et à un kilomètre de l’hypermarché, l’entrepreneur a prévu l’installation d’une centrale de méthanisation de la taille de six conteneurs pour retraiter 500 t de biodéchets chaque année.
« A la différence des agriculteurs qui disposent d’importants volumes de végétaux, nous avons en magasin une diversité de déchets qui nous évite de chercher des partenaires industriels pour nous fournir en produits à fort pouvoir méthanogène comme la viande, le poisson, les pâtisseries », explique Olivier Magré qui se passionne sur le sujet.
De cette « soupe » que génère un méthaniseur émanent trois rejets. De l’eau chaude ultra filtrée chargée en nitrate, du substrat, et du méthane transformé en électricité par un moteur. Le méthane pourrait aussi être raffiné et injecté sur le réseau, sans production d’électricité donc. Cela permettrait un meilleur rendement, mais le coût de traitement pour purifier le gaz et lui donner une odeur pour le faire devenir détectable rend la solution complexe.
Reste la possibilité de l’utiliser tel quel dans des camions adaptés. « Avec 500 t de biodéchets retraités par an, on peut faire avancer un véhicule de 3,5 t sur 160 000 km », précise Olivier Magré.
20 % de l’énergie autoconsommée
Au démarrage de sa centrale, le magasin Leclerc de Ville-la-Grand transformera son méthane en électricité. Pour son lancement, d’ailleurs, celle-ci a besoin d’un branchement au réseau, mais elle deviendra rapidement autonome. 20 % de l’électricité produite est sera utilisée pour son propre fonctionnement. Le reste servira à l’éclairage du point de vente. L’hyper réfléchit aussi à la valorisation des 2 800 m3 d’eau à 55 °C qui émane du système. Raccordés au chauffage, ils pourraient encore venir réduire la facture énergétique.
Dans un second temps, le magasin pourra retraiter les déchets de ses voisins. « On utilise déjà les mêmes réseaux d’eau et d’électricité, fait remarquer Olivier Magré. Pourquoi ne pas l’étendre à la gestion des déchets. »
« On risque un oligopole »
Convaincu, l’entrepreneur ne voit d’ailleurs pas pourquoi les industriels ne seraient pas déjà tous équipés. Pour lui, il y a même urgence à le faire avant que les producteurs de déchets ne soient dépossédés de leurs rejets. « Si les grands groupes de l’énergie mettent la main dessus, on risque un oligopole », craint Olivier Magré.
Pour Perifem, l’association qui traite les questions techniques du secteur de la distribution en France et notamment énergétique, la méthanisation n’en est qu’à l’état de test, alors que le photovoltaïque est en plein essor. La complexité de la logistique et de l’installation, digne d'une petite usine, rendent le déploiement plus difficile. En Suisse, le groupe Migros (Coop) a développé sa propre centrale.
700 camions au méthane chez Carrefour
En France, Lidl organise l’enlèvement des biodéchets de ses supermarchés et les oriente vers une filière de méthanisation.
« Chez Carrefour ce sont 700 camions qui fonctionnent au biométhane, lui-même élaboré à partir des biodéchets de nos magasins », rappelle Bertrand Swiderski, directeur RSE chez Carrefour.
« L’idéal pour un magasin est de vendre ses produits et ne pas générer de déchets organiques, rappelle Franck Charton, directeur de Perifem. Dès qu’il y a des déchets, c’est en quelque sorte un constat d’échec. »
D’ici peu, la loi pourrait accélérer les choses en durcissant les conditions de gestion des déchets des entreprises, pour mieux les valoriser.