DOSSIER CDEC

Loi Raffarin et CDEC : vers des réformes cosmétiques

12 janvier 2005 - Patricia Bachelier

Un sujet brûlant. L’assouplissement possible de la loi Raffarin a fait couler beaucoup d’encre à l’automne dernier. Et pour cause. Daniel Bernard (Carrefour) et Michel-Edouard Leclerc s’opposaient publiquement sur la question. Le premier, accusant la loi d’être un véritable carcan nuisible à l’expansion de ses enseignes, espérait haut et fort obtenir des mètres carrés supplémentaires en échange de l’effort porté sur les prix. A l’inverse, Michel-Edouard Leclerc refusait le mélange des genres, considérant comme parasite le débat sur les surfaces commerciales.
Nicolas Sarkozy parti diriger l’UMP, le soufflé est depuis bien retombé. La révision des lois Raffarin et Galland fera néanmoins l’objet d’un nouveau débat courant janvier, sous la houlette du député de la Haute Marne, Luc Chatel. Lequel promet un rapport au Premier ministre dès février. Mais d’ores et déjà le député ne se montre pas favorable à une remise en cause de la loi concernant l’équipement commercial (cf. encadré).

Qu’ils arrêtent de se plaindre

« Il faudrait que les distributeurs arrêtent de se plaindre, s’agace un spécialiste du sujet, qui élabore des dossiers de CDEC pour le compte des enseignes. Les décisions des CDEC leur sont en très grande majorité favorables. Ce sont des effets d’annonce qui relèvent de la provocation. Les distributeurs seraient les premiers à pleurer si la loi Raffarin était supprimée. Ils savent très bien qu’elle constitue un rempart efficace contre l’invasion d’enseignes étrangères, peu enclines aujourd’hui à se frotter à une telle législation. D’ailleurs quand la loi a été votée en 1996, l’action des groupes cotés en Bourse avait fait un vrai bond ».
« Sans cette loi, le hard discount aurait déjà dépassé les 20 % de part de marché », estimait pour sa part l’analyste à la Commerzbank Jürgen Elfers, lors des journées IFM en novembre dernier. Outre la loi Raffarin, le fonctionnement des CDEC est aussi à l’ordre du jour. Pour mémoire, la Commission Départementale d’Equipement Commercial est composée de six membres : trois élus locaux (dont le maire de la commune concernée), deux représentants de chambres consulaires (Chambre de commerce et Chambre des métiers) et un émissaire des associations de consommateurs. Il faut au minimum quatre voix favorables pour qu’un dossier de création et d’extension obtienne le feu vert de la CDEC. En cas de refus, un recours à la CNEC est possible, dans un délai de quatre mois.

Supprimer l’étude d’impact

Le fonctionnement des CDEC a fait l’objet d’un rapport, par le sénateur Alain Fouché, à la demande du Premier ministre. Il a été rendu public à la rentrée. Pas de bouleversements majeurs en perspective mais quelques recommandations pour assouplir les procédures d’instructions. A commencer par la suppression de l’étude d’impact pour les demandes n’excédant pas 1000 m². En outre, le sénateur recommande qu’interdiction soit faite à un salarié de l’entreprise concernée ou concurrente (qui représenterait la CCI) de prendre par au vote.
Il préconise que les critères d’esthétique, d’urbanisme et d’environnement passent en critères de premier rang. Enfin, alors que le changement d’enseigne requiert actuellement un passage en CDEC pour une surface supérieure à 2 000 m², il propose d’abaisser ce seuil à 1000 m². « C’est une bonne initiative, commente ce directeur d’une DDCCRF bretonne. Le changement d’enseigne peut modifier considérablement le jeu de la concurrence. Même sur des petites superficies. »
Autre facteur d’évolution, la mise en place des schémas de développement commercial (SDC). Ils ont été prévus dans la loi de 1996, mais il a fallu attendre février 2003 pour que la circulaire précisant leur contenu soit publiée ! Les départements avaient jusqu’au 15 septembre dernier pour mettre en place leur SDC. D’après l’Assemblée des CCI, les deux tiers d’entre eux s’y étaient conformés fin décembre.
Inspiré de la charte d’orientations commerciales dont certaines communes sont déjà dotées, le SDC établit à l’échelle locale un diagnostic de l’équipement commercial et indique les zones géographiques et les types d’activités commerciales à développer ou au contraire à freiner. Ces schémas sont établis pour 6 ans et peuvent être révisés au bout de trois ans. S’ils ne s’imposent pas juridiquement aux CDEC, ils fixent un cadre précis et constituent une aide à la décision. « Ils servent aussi de guide pour les distributeurs dans la préparation des dossiers, explique un membre siégeant en CDEC en région Centre. Cela devrait limiter les dépôts à tout va et les demandes utopiques ».

Réglementation européenneLa France devra-t-elle indemniser Aldi ?
Au sein de la Commission Européenne, la direction des marchés intérieurs est notamment chargée de s’assurer de la liberté d’établissement et de prestations de services sur le territoire de l’Union. Tout un programme. D’autant que l’enrichissement du cadre législatif européen place potentiellement un nombre croissant de législations nationales en situation « d’euro-incompatibilité ». Exemple : la loi Raffarin, votée en 1996 pour limiter l’expansion des grandes surfaces. Elle est depuis plus de 18 mois dans le collimateur de l’exécutif bruxellois. Courant octobre, le Premier ministre s’était rendu à Bruxelles pour tenter de convaincre Romano Prodi, le président de la commission sortante, de classer l’affaire. En vain.
Aujourd’hui, le dossier se retrouve sur le bureau du nouveau commissaire, l’Irlandais Charlie Mc Creevy. Ce libéral sera-t-il celui qui adressera la tant redoutée mise en demeure au gouvernement français ? Si tel devait être le cas, les enseignes qui estiment avoir été bridées dans leur développement hexagonal seraient alors fondées à réclamer des dédommagements. C’est d’ailleurs tout le sens de la plainte déposée l’an passé par Aldi et qui fut à l’origine de la procédure en infraction actuellement en cours d’instruction.
B. Gobin

Avis d’expert : Luc Chatel, député UMP de la Haute Marne.

Il préside la mission parlementaire sur les pratiques commerciales et le groupe de travail sur l’amélioration des relations industrie-commerce mis en place par Christian Jacob, Ministre des PME du Commerce et de l’Artisanat.

Le groupe de travail que vous présidez va plancher sur le sujet de l’équipement commercial à la fin du mois. Quelles orientations souhaitez-vous donner ?
Deux ou trois séances devraient être consacrées à ce sujet dans la deuxième quinzaine de janvier. Nous allons travailler avec tous les acteurs concernés (distribution, services des fraudes, chambres consulaires, etc.). Une chose est sûre, nous ne sommes absolument pas dans une situation de rareté de l’offre commerciale. Bien au contraire. Je ne suis donc pas favorable à une évolution de la loi Raffarin qui conduirait à une accélération des agrandissements et des créations de grandes surfaces.

Cela remet donc en cause ce qui a été obtenu pendant les « accords Sarkozy », un assouplissement de la loi contre un effort sur les prix ?
Ce principe du « donnant-donnant » ne me paraît pas tout à fait opportun. Car lier la question des mètres carrés aux négociations commerciales revient à polluer le débat. Les deux sujets doivent être traités séparément.

Il avait été aussi question d’être plus souple avec les enseignes qui favoriseraient le référencement des PME, qu’en est-il aujourd’hui ?
Aider les PME à améliorer leur présence en grande surface est en soi une bonne idée. Mais je reste sceptique sur la mise en place d’une telle disposition. Et surtout sur les moyens de contrôle.

Le sénateur Fouché a fait des propositions pour faire évoluer le fonctionnement des CDEC. Qu’en pensez-vous ?
Le fonctionnement des CDEC fera lui aussi partie des débats. Mais je n’envisage pas, a priori, des évolutions en profondeur. Elles seront à la marge.

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