Logos nutritionnels : la ministre a choisi ses feux rouges
La ministre de la Santé Marisol Touraine a tranché : les pictogrammes nutritionnels que le gouvernement va préconiser seront ceux du professeur Hercberg. Une note simple de A à E, assortie d'un code couleur, qui donne des sueurs froides aux industriels. Mais son affichage ne sera pas obligatoire.
La loi santé de janvier 2016 prévoit d'instaurer un étiquetage nutritionnel graphique sur les emballages des produits alimentaires pour améliorer l'information du consommateur. En fin d'année dernière, un test en conditions réelles a été mené dans 60 supermarchés afin de comparer les effets sur les ventes de plusieurs systèmes de notation. L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) avait en outre été saisie pour avis sur la question.
"L'intérêt d'un logo est démontré"
Par principe, l'Anses a considéré qu'aucun système n'était pertinent, parce qu'un étiquetage des emballages, à lui seul, ne modifie pas en profondeur le régime alimentaire des consommateurs.
Mais les tests en magasins, eux, ont donné des résultats. "Pour la première fois, l'intérêt d'un logo nutritionnel est démontré", se félicite Marisol Touraine.
"La première question […] était de savoir si, oui ou non, des systèmes d’étiquetage nutritionnel simplifié étaient susceptibles d’entraîner des modifications dans les comportements d’achat des consommateurs. La réponse est clairement oui", établit l'étude.
Trois des quatre systèmes testés, en réalité, se sont visiblement révélés efficaces : ceux qui s'assortissent d'un code couleur façon feux rouges. L'étiquetage le plus complet (et le plus austère), sous forme d'histogramme bleu pour chaque nutriment, n'a eu au final que peu d'effets.
"La combinaison d’approches multiples explorées systématiquement (par catégories de produits, d’acheteurs, etc.) fait apparaître une supériorité d’ensemble assez nette pour Nutri-Score", poursuit le rapport d'étude.
Nutri-Score, c'est le nom de la note synthétique de A à E apposée sur un fond de couleur allant du vert au orange foncé (symboliquement pas tout à fait rouge).
L'étude montre en particulier que cette note ultra-simple est la plus efficace pour sensibiliser le tiers de consommateurs ayant les revenus les plus faibles. Autrement dit la cible privilégiée de cette campagne d'information.
Mais cette simplicité fait aussi bondir les industriels, qui voient dans ces notes, lorsqu'elles sont mauvaises, une stigmatisation trop arbitraire de leurs produits.
Une polémique close
L'Ania, l'association nationale des industries alimentaires, militait explicitement contre le Nutri-Score, se montrant favorable à tous les autres systèmes testés. Autant dire qu'elle accueille froidement l'annonce aujourd'hui du ministère de la Santé. Annonce qui au passage vient clore la polémique autour d'une supposée mainmise des industriels sur l'expérimentation, qu'ils finançaient en partie.
L'Ania dit attendre la présentation officielle des résultats de l'étude (le comité de pilotage sur la question ne s'est pas encore réuni), avec l'intention "d'analyser avec beaucoup d'attention [...] les leviers et les limites de chaque système". L'étiquetage n'étant pas obligatoire, l'association rappelle aussi que sa pérennité reposera sur "l'adhésion la plus large des fabricants".
La ministre, elle, regrette que la réglementation européenne empêche justement la France de rendre cet étiquetage obligatoire. "Je compte sur la pression des consommateurs pour que les industriels s'engagent dans cette voie", a-t-elle confié au Parisien.
"Lobbying intense"
Benoît Hamon, candidat à la présidentielle et ancien ministre de la Consommation (de 2012 à 2014), a salué sur Twitter la décision de Marisol Touraine. "Ne tremblons pas face aux lobbies", a-t-il surenchéri.
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"Il n’est pas acceptable de s’en remettre à la seule pression des consommateurs, a réagi, dans la journée, l'ONG Foodwatch. C’est bien aux responsables politiques qu’il appartient de mettre cette question à l’agenda européen."
"Un lobbying intense de l’industrie agroalimentaire, poursuit l'association, avait poussé une première fois, en 2011, le Parlement européen à renoncer. Il est temps de remettre l’étiquetage nutritionnel à l’ordre du jour des vingt-huit."
"Compte tenu de la très forte attente des consommateurs d’une information nutritionnelle simplifiée, les professionnels seraient bien inspirés de ne pas les laisser sur leur faim", commente pour sa part l'UFC-Que Choisir, qui appelle industriels et distributeurs à "se positionner publiquement" en indiquant s’ils reprendront ou non le modèle préconisé par les pouvoirs publics.
L’arrêté officiel français définissant le système d’étiquetage nutritionnel que les industriels pourront mettre en œuvre, quant à lui, est attendu pour début avril.