LinéairesPrix : les écarts atteignent des sommets
Leclerc et Carrefour s’échappent !
| MéthodologieEntre juillet et décembre 2008, l’équipe de Linéaires a visité 167 magasins dans toute la France, relevant les prix de 102 références alimentaires, y compris liquides. 94 sont des produits de grande marque, leaders sur leur rayon. Le panier comprend également 7 premiers prix basiques : farine, poulet PAC, litre de lait, etc. ainsi que la symbolique baguette de pain. L’indice de l’enseigne correspond à la moyenne de ses indices par produit. |
C’est du jamais vu. A de nombreux égards, la dernière livraison du classement LinéairesPrix apporte son lot de résultats exceptionnels. Exceptionnels par le niveau des indices des meilleurs distributeurs, exceptionnels par l’ampleur des écarts entre les enseignes et, enfin, exceptionnels par les fluctuations depuis le premier semestre 2008. Reprenons en détail.
Ainsi, l’indétrônable Leclerc boucle-t-il le second semestre 2008 avec un indice prix de… 93,7. En clair, le panier type Linéaires est 6,3 % moins cher chez Leclerc que dans un magasin moyen de France. Une performance inédite depuis la première publication de LinéairesPrix en 2000. Tout comme est inédit l’écart constaté avec Monoprix, qui occupe tout aussi traditionnellement la dernière place du palmarès : on frise les 20 points de différentiel ! Sur une sélection de produits majeurs de l’assortiment (Danette chocolat x4, Nutella 750 g, Coca-Cola 1,5 l, etc.) cet écart est proprement abyssal !
Retrouver Carrefour à la deuxième place n’est pas une pure surprise en soi. L’enseigne occupait déjà cette position au premier semestre, après avoir témoigné d’une agressivité plus erratique en 2006/2007. La surprise vient en revanche, là encore, du niveau de performance atteint par Carrefour, très supérieur aux meilleurs scores historiques (94,2). Bref, Leclerc et Carrefour se marquent à la culotte et aucune autre enseigne ne semble en mesure de suivre le tempo imposé par ces deux leaders.
Certaines affichent néanmoins leur volonté de ne pas se laisser décrocher. Ainsi, Auchan produit un effort notable pour finir le semestre à 96,7. Champion/Carrefour market améliore symboliquement son score (- 0,3 pt) et prouve qu’il reste pleinement dans la course au discount (98,5). A un autre niveau, Cora fait un bond spectaculaire et gagne près de deux points. Pour la première fois depuis quatre ans, l’enseigne de la famille Bouriez se replace sous la barre symbolique de l’indice 100. Les promesses formulées par Pierre Bouriez dans Linéaires (voir l'interview parue en juillet 2008) auront donc été tenues.
Des décrochages inattendus
On assiste à l’inverse à des décrochages d’indices assez brutaux et inattendus. Au sein du peloton de tête, Intermarché laisse échapper 1,2 point. Les Mousquetaires doivent se contenter de la quatrième place sur la ligne d’arrivée. Intermarché se consolera en constatant la contre-performance de son concurrent frontal, Super U. Les U font jeu égal avec Cora. Un bilan étonnant, car les Nouveaux Commerçants font preuve d’une agressivité croissante depuis quatre ans, avec une vocation discount de plus en plus affirmée. Déception encore du côté de Géant Casino, qui se laisse glisser de deux points et ferme désormais la marche des enseignes d’hypers (101,9), loin derrière tous les autres. Sans doute faut-il y voir le fruit de la « stratégie dunnhumby » qui incite Casino à moins se focaliser sur les produits majeurs conventionnels. Au sein du panier Linéaires, Géant Casino est d’ailleurs l’enseigne dont les écarts d’indice d’un produit à l’autre sont les plus marqués. Elle se montre par exemple très agressive sur les nouilles Panzani (indice 90,6) ou les céréales Chocapic (94,0) mais se trouve « à la rue » sur le Lipton Yellow (112,0) ou la bolognaise Panzani (109,4).
Enfin, les supermarchés urbains (Atac, Casino, S. Match et Monoprix) forment désormais un « cercle privé » qui vit très en marge de la bataille. Atac et S. Match luttaient ces dernières années pour ne pas lâcher prise, mais le décrochage constaté lors de la dernière vague de relevés est sans appel pour ces deux enseignes : + 4,0 et + 2,1 points respectivement.
Lidl sème le trouble
Le creusement flagrant des écarts observé dans le classement au second semestre doit pour beaucoup à deux phénomènes majeurs, qui se conjuguent. Le premier peut être baptisé de « facteur Lidl ». Déjà évoqué lors du bilan au premier semestre, son influence se confirme. De quoi s’agit-il ? L’histoire est simple. Pour les GMS, l’enjeu est de faire perdre à Lidl – et à tous les hard discounters qui seraient tentés de le suivre dans cette voie – le goût de vendre des grandes marques en « massacrant » le prix des références présentes chez l’Allemand. Les principaux artilleurs se nomment Leclerc, Carrefour, Super U et Intermarché. Citons en vrac, le cas de la plaquette de beurre doux Président, du Knacki Herta par 10, de la Ricoré, du Mars x 6. Le prix moyen national de ces produits a fondu de 10 à 15 % en un semestre ! Ce petit jeu coûte évidemment très cher aux enseignes, mais toutes n’y souscrivent pas. Celles qui restent en marge perdent logiquement des points au classement (18 % des produits du panier Linéaires ont été référencés par Lidl et tous sont peu ou prou concernés par le phénomène).
Le deuxième phénomène notable du second semestre est la compensation de l’envolée des prix observée au premier semestre 2008. Souvenez-vous. Entre janvier et juillet, l’inflation du panier Linéaires avait atteint 4,2 % en raison des hausses de tarif à deux chiffres sur les produits laitiers et les féculents (pâtes et riz) en particulier. Six mois plus tard, ces hausses ont été assez largement gommées : au second semestre, le prix du panier recule ainsi de 2,5 % (soit une inflation limitée à + 1,6 % sur 12 mois). En clair, les enseignes ont rogné leurs marges pour limiter la flambée des prix. Avec l’aide financière des marques, parfois… D’où un renversement de tendance très net. Mais là encore, tous les distributeurs ne sont pas égaux devant l’effort consenti. Ce qui se traduit directement sur leur indice.