Le projet de loi qui veut chambouler les négos

Le projet de loi qui veut chambouler les négos

La commission des affaires économiques de l'Assemblée a sérieusement amendé le projet de loi sur l'équilibre des relations commerciales. L'idée est de mettre fin à la convention unique (et à son calendrier contraignant) pour les négos sur tous les produits alimentaires.

La loi en devenir porte sur les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire en même temps qu'elle promeut une alimentation saine et durable. Le gouvernement en fait la traduction concrète des consensus dégagés à l'occasion des états généraux de l'alimentation de 2017.

Avant le démarrage de la navette parlementaire (première lecture publique devant les députés le 22 mai), la commission des affaires économiques de l'Assemblée s'est penchée sur le texte pour y ajouter une première salve d'amendements. Linéaires fait le point sur les articles de la loi modifiant le cadre des relations commerciales.

En finir avec le psychodrame du salon de l'agriculture

L'amendement le plus spectaculaire adopté par la commission consiste à affranchir les négociations commerciales sur les produits agricoles et alimentaires de la convention unique. Le cadre formel de cette convention, qui doit chaque année être signée pour le 1er mars, est selon les promoteurs de l'amendement "à l’origine de vrais psychodrames et de conséquences économiques déplorables pour l’ensemble de la chaîne alimentaire", avec un "point d’exergue au moment du salon de l’agriculture".

On comprend bien la volonté de jouer l'apaisement durant un salon qui sert de vitrine aux élus de tous bords. On voit moins bien la logique qui consiste à séparer aussi franchement, sur le plan légal, les produits alimentaires et non alimentaires (seuls les produits bruts, dont la spécificité est réelle, étaient jusqu'à présent exclus du cadre). On imagine mal, surtout, l'alternative structurante que les députés de la commission ont en tête pour encadrer les négos et leur assurer toute la sérénité nécessaire.

Des prix agricoles complexes

S'agissant des prix agricoles, le texte remanié rappelle désormais explicitement que la proposition de contrat émise par une organisation de producteurs doit servir de socle à la négociation avec les acheteurs. Mais la commission des affaires économiques a pris acte de la complexité à fixer des référentiels de coûts de production pertinents pour tous les modes d'agriculture et toutes les tailles d'exploitations. Les modalités de détermination des prix agricoles, outre les tarifs "constatés sur les marchés", devront "refléter la diversité des conditions et des systèmes de production". Louable, mais pas simple…

Les distributeurs aussi publieront leurs comptes

Deux amendements visent également à rendre plus dissuasives les sanctions à l'encontre des sociétés (industriels mais aussi distributeurs, désormais) qui ne publient pas leurs comptes. L'amende maximum encourue (historiquement 3000 euros) avait déjà été transformée en astreinte de 2% du chiffre d'affaires par jour de retard depuis la loi Sapin 2 de 2016. Le projet de loi alimentation permet aux tribunaux de commerce de prononcer plus facilement les condamnations, sans passer par une saisine préalable de l'observatoire des prix et des marges.

De quoi, sur le papier, mettre fin à l'opacité dont sont coutume quelques groupes industriels, mais aussi quelques propriétaires de magasins.

Des litiges, même non jugés, rendus publics

Tel qu'il est réécrit, le projet de loi va graver dans le marbre la dénonciation publique des sociétés coupables de pratiques commerciales déloyales. D'abord en rendant obligatoire la diffusion, par affichage ou communiqué, des condamnations prononcées par les tribunaux.

Mais aussi en exonérant le médiateur des relations commerciales de ses obligations en matière de confidentialité. S'il estime qu'une médiation (réussie ou au contraire bloquée) peut avoir une valeur d'exemple, il devient libre de rendre le cas public. Sans attendre le jugement d'un tribunal.

Des sanctions administratives plus rapides

L'augmentation du seuil de revente à perte est confirmée pour les produits alimentaires (10% sont ajoutés au prix d'achat effectif) et étendue aux denrées pour animaux de compagnie.

L'encadrement des promotions, en valeur et en volume, est de la même manière applicable au rayon petfood, mais n'est toujours pas chiffré. Le ministère de l'Agriculture, lui, continue de communiquer sur un rabais maximum de 34% et une limite à "25% du volume annuel écoulé par l'enseigne".

En cas de manquement aux obligations sur le SRP ou les promos, les sanctions ne seront plus pénales mais administratives. Moins lourdes de conséquences, les peines administratives sont prononcées beaucoup plus facilement par les tribunaux de commerce…

Le texte, enfin, prévoit que le gouvernement dresse un bilan spécifique, au bout de deux ans, des éventuels contournements imaginés par les acteurs économiques pour s'exonérer des exigences de la nouvelle loi. Notamment via des transferts de négociation dans des pays tiers. Sans qu'on sache bien si l'amendement a ici des visées dissuasives, ou s'il est au contraire un aveu de faiblesse anticipé.

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