Le plan de Carrefour pour doper les visites en magasins

30 novembre 2016 - B. Merlaud

Le plan de Carrefour pour doper les visites en magasins

Plusieurs présentations en interne, dont Linéaires a eu écho, laissent entrevoir le cap que Carrefour s'est fixé pour les années à venir. La priorité : doper le trafic dans ses points de vente. Détail des moyens que le distributeur met en œuvre pour y parvenir.

Noël Prioux, le patron de Carrefour France, l'a asséné à ses troupes : "le trafic est la première des priorités". Il faut dire qu'il y a le feu dans la maison Carrefour, en particulier chez les hypers. Le format accumule les pertes de part de marché cette année et faire moins bien qu'Auchan ("qui est pourtant en difficulté") est en interne très mal vécu.

Mais pour attirer davantage de ménages dans ses hypers, le distributeur ne veut pas se laisser enfermer dans la seule logique de surenchère promotionnelle. La guerre des prix qui sévit aujourd'hui entre les enseignes est "inédite dans l'histoire", regrette Carrefour, qui ne veut plus financer le chiffre d'affaires par de la dégradation de marge.

L'expérience client

D'où la volonté de construire une expérience client "différenciante". Ce qui doit faire venir les clients en magasins, ce sont les économies et les découvertes, à importance égale.

Pour les hypermarchés, en particulier, sept axes de travail sont privilégiés :

- la qualité du frais traditionnel

- le prix du frais trad

- la qualité des MDD

- la "vie saine"

- le programme de fidélité

- le drive

- les services.

A Villiers-en-Bière, la zone marché en met plein les yeux

Les produits frais, on le sait, sont moteurs dans la fréquentation d'un point de vente. Carrefour investit dans la formation du personnel, agrandit ses rayons, laisse des stands en concession à des fournisseurs afin de pousser plus loin l'expertise métier en magasin.

Il colle aussi aux besoins locaux : stands de produits polonais à Douai (59), boutique du canard à Mérignac (33), etc. De nombreuses recettes, au passage, sont en cours de rénovation.

Dans l'hyper tout juste refait à neuf de Villiers-en-Bière (77), la zone marché en met objectivement plein les yeux aux clients (voir notre reportage ici). La montée en gamme est patente, les courses plaisir sont à l'honneur. Des atouts évidents, mais qui auront besoin d'être équilibrés par un discours prix fort sur le trad : le distributeur en a conscience.

Produits bio et communautaires

Les MDD sont également au cœur de la stratégie de différenciation de Carrefour. Au-delà de l'ambition sur la qualité intrinsèque des produits, une refonte des packagings est en cours et devrait s'achever fin 2018. L'offre à marque propre va soutenir les efforts de l'enseigne sur le bio, et plus largement sur l'alimentation "saine". Le distributeur a aussi prévu de mettre l'accent sur les produits communautaires et ethniques, afin de s'adapter, quand c'est pertinent, à la clientèle locale de chacun de ses sites.

Sur le non-alimentaire également, Carrefour se donne plus de souplesse pour étoffer ses assortiments. D'abord pour répondre à la demande locale : à Villiers-en-Bière, à deux pas de la forêt de Fontainebleau, Carrefour propose du matériel d'équitation ou d'escalade. Mais aussi pour capitaliser sur "l'effet waouh" que permet le point de vente physique (par opposition, pour ne citer que lui, à Amazon). Démonstrations, conseils et services personnalisés (comme la configuration sur mesure de puissants ordinateurs de gaming) sont au programme.

Moins de matraquage promo

Moins de matraquage promo

En même temps qu'il met donc l'accent sur l'expérience client en magasin, Carrefour prend un virage pour le moins audacieux sur la promo. Dans ses hypers de Bayonne et de Villiers-en-Bière, le distributeur fait l'impasse sur le matraquage qui sévit d'ordinaire en magasins.

À Villiers, les têtes de gondole sont dépouillées de toute affiche. La massification est toujours là, mais il faut s'approcher pour lire les prix. Dans le petit hyper de Bayonne (5000 mètres carrés), les TG sont carrément dévolues aux produits locaux, les promos étant regroupées dans des bacs et en zone saisonnière (comme chez Carrefour Market, qui ne s'en porte pas plus mal).

Le distributeur n'entend évidemment pas sortir de la course aux prix bas (la perte des clients serait "immédiate"). Mais l'image prix de ses hypers s'étant améliorée, il s'autorise à écouter les consommateurs qui, en table-ronde, se plaignent des agressions visuelles en magasin. Reste à voir si ces mêmes consommateurs ne sanctionneront pas ensuite l'enseigne pour son manque de punch…

Ouverture le dimanche

Dans ses relations avec les syndicats, Carrefour présente l'ouverture le dimanche matin de ses hypers comme une évolution nécessaire, imposée par la concurrence (les exemples d'Auchan ou de Cora en Île-de-France sont notamment cités). Le distributeur a entrepris de renégocier un accord d'entreprise pour permettre cette ouverture, actuellement interdite par les textes en vigueur dans le groupe (et que la loi, elle, autorise bien pour les commerces alimentaires).

Les petits hypers du parc seraient les premiers concernés. Pour eux, Carrefour estime que l'ouverture régulière le dimanche matin devrait générer 3% de chiffre d'affaires additionnel (déduction faite des reports de vente du samedi au dimanche).

Avec cette renégociation, Carrefour se défend de vouloir généraliser l'ouverture le dimanche à l'ensemble de son parc. Mais il veut laisser à chaque magasin la possibilité de le faire, si c'est pertinent d'un point de vue concurrentiel.

Stratégie omnicanale

Le programme de fidélité de Carrefour sera revu

Le programme de fidélité, lui, sera revu parce qu'il manque de modernité. La relation avec les clients n'est pas assez digitale au goût de Carrefour, qui veut de toute façon franchir un cap en matière d'omnicanalité.

Le retrait de colis est un élément clé pour doper le trafic en magasin. Que la commande ait été passée sur un site du groupe Carrefour ou sur un site concurrent, tout est bon pour faire venir le client. Mais ce retrait est encore trop vécu comme une contrainte par les magasins.

Afin d'associer davantage les équipes à ce service et donc améliorer l'accueil, Carrefour réfléchit à une forme d'intéressement du point de vente (dans lequel s'effectue le retrait) au chiffre d'affaires réalisé en ligne, lorsque l'achat a lieu sur un site de l'enseigne.

Chez Leclerc, un mécanisme similaire garantit la bonne implication des adhérents, par nature indépendants.

2017 doit être l'année de la montée en puissance des sites de e-commerce récemment acquis par Carrefour.

Sur Rue du Commerce, qui enregistre 2,5 millions de commandes par an, 15% des clients choisissent déjà le retrait dans un magasin Carrefour. Greenweez, spécialisé dans la vente en ligne de produits bio, atteint aujourd'hui les 20.000 commandes mensuelles. De 18 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015, le site devrait passer à 22 millions d'euros en 2016.

Croquetteland (petfood) tourne pour l'heure avec 50.000 clients actifs et 11.000 commandes par mois. Le site MyDesign, qui dispose de kiosques dans une trentaine d'hypers Carrefour, enregistre environ 2000 commandes par mois et grandsvins-privés 50 commandes par jour.

En 2015, avant le rachat de ces sites, le portail carrefour.fr attirait en moyenne 300.000 visiteurs par jour. Pour 2020, l'objectif est fixé à un million. À cette échéance, Carrefour France devra réaliser 8 à 10% de son chiffre d'affaires en ligne.

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