«Le modèle de l'hypermarché alimentaire exhaustif a pris un sérieux coup de vieux. Il est aujourd'hui doublement attaqué. D'abord par les grandes surfaces spécialisées, qui proposent des choix plus crédibles sur leurs métiers respectifs ainsi qu’une valeur d'usage et de plaisir bien supérieure à celle des hypers.

Ensuite par le hard-discount, venu casser leur suprématie sur l'axe du prix. Les hard-discounters, initialement cantonnés à des achats par défaut, proposent aujourd'hui une qualité reconnue à des prix imbattables. Toutefois, leur valeur ajoutée et leur avantage compétitif décisif résident aussi en partie dans la simplification des courses et dans un bénéfice consumériste (au sens positif initial du terme). Ce qui doit leur donner vocation à séduire très au-delà des couches de population fragilisées (ou en situation de précarité).

Les deux faces du consommateur

L'hyper de demain devra peut-être cesser de penser en « tout-sous-un-même-toit », pour aller chercher chez les spécialistes et les hard-discounters le meilleur de ces deux mondes. Le concept que nous avons imaginé prend totalement en compte la dualité des comportements d'achat : les consommateurs sont alternativement hédonistes et économes, hypersensibles au plaisir et obsessionnels du prix. Le nouveau magasin ci-contre a pour objectif de réconcilier ces deux faces du même consommateur.

L’entrée, via les escalators, débouche sur le niveau supérieur qui bénéficie d'une bonne luminosité, grâce à de larges baies vitrées sur l'extérieur. Deux grands univers, traités par des spécialistes, y attendent le chaland. D'un côté, l'univers du textile, de l'habillement et de l'accessoire du corps en général (y compris la beauté) proposé par H&M. Cette enseigne est en effet devenue une référence incontournable de son secteur, qui a radicalement changé les standards de ce métier en réconciliant les prix, la mode et le plaisir du shopping. Cette partie du magasin est dense sans être agressive, les mobiliers sont soignés, voire sophistiqués. La circulation est fluide. Le positionnement prix est très affirmé mais pas paupérisant.

Le mot « snack » est banni

En face, sur le même niveau, l'univers du plaisir de la table et de la cuisine est un vecteur toujours aussi moderne de convivialité partagée. Cette partie du magasin joue délibérément la carte d'une tradition revisitée et remise au goût du jour, avec beaucoup d'élégance et de sobriété gourmande. On y trouve en ceinture une succession de boutiques « traditionnelles » (boucherie, boulangerie, plats cuisinés, fruits et légumes, poissonnerie, etc.) disposées à la façon d'une halle traditionnelle de centre-ville. On y prend autant de plaisir à discuter avec les employés qu'à regarder les étalages. Il est également possible de consommer sur place, au centre, aux tables d’un bistrot qui sert aussi de café. Le mot « snack » est rigoureusement banni de cet univers.
Au fond du premier étage, un escalator permet d’accéder au niveau inférieur. Le chaland arrive alors dans une zone promotionnelle et saisonnière, très théâtralisée. Pour le reste, le niveau inférieur est complètement hard-discount : une allée centrale dessert des gondoles-racks en épi de part et d'autre. La signalétique est réduite au strict minimum. Le discours prix est transparent, sans surenchère : les étiquettes parlent d'elles-mêmes. L’ambiance est spartiate mais extrêmement propre, voire clinique. Ici le magasin redevient 100 % « price-oriented ». Bref, on est comme chez Lidl.

Le positionnement hard-discount est clair, focalisé sur tout ce qui est épicerie, entretien, hygiène, sans l'ambiguïté d'une offre gourmande ou d'une offre textile. Ici, l’ambiance n’est pas « polluée » par les rayons « parasites » (textile, bricolage, beauté) que l'on trouve habituellement dans les hypers. Le niveau inférieur est fermé sur l'extérieur, pour maximiser la densité du merchandising et la hauteur des racks sur la périphérie.
Arrivé en fin de parcours, le client sort par la ligne de caisse, au rez-de-chaussée, avec le sentiment réel d'avoir eu ET le plaisir ET les bons prix.