La loi alimentation va-t-elle pénaliser les PME ?

La loi alimentation va-t-elle pénaliser les PME ?

Les marques de PME et TPE assurent 34% de la croissance en GMS sur un an. Mais la loi alimentation, en imposant une marge minimum sur les produits d'appel, donne des arguments aux grands groupes pour négocier des places supplémentaires en rayon.

"Vous vous êtes entendus entre vous, grands industriels et grands distributeurs, mais cette loi va à l'encontre de l'esprit d'entreprendre", fulminait Dominique Amirault, président de la Feef (fédération de PME), lors d'un bilan dressé avec la FCD (fédération de distributeurs) sur les performances des petites entreprises.

"La hausse du seuil de revente à perte va augmenter les masses de marge que les enseignes réalisent avec les grandes marques, a expliqué Dominique Amirault. Ce qui va permettre aux grands groupes de négocier des contreparties en linéaires."

Or la place en rayon est justement ce qui fait le succès des PME ces dernières années. Selon Nielsen, la part d'offre des marques de PME et TPE est passée de 14,3% en 2015 à 16,4% en 2017.

Sur 12 mois arrêtés en août 2018, toujours selon Nielsen, les PME assurent à elles seules 27% de la croissance de CA en GMS. Soit davantage que les grands groupes (25%) ou les MDD (24%). Les sociétés de taille intermédiaire contribuent à hauteur de 17% et les très petites entreprises sont à 7%.

La loi alimentation augmente le seuil de revente à perte de 10% pour tenir compte (au moins en partie) des coûts de distribution des enseignes. Mécaniquement, le prix des produits d'appel vendus jusqu'à présent avec moins de 10% de marge va augmenter en rayon.

Il est probable, comme le craint Dominique Amirault, que les grands groupes fournissant l'essentiel des produits d'appel profitent de ces nouvelles marges "obligatoires" pour négocier des avantages supplémentaires dans les linéaires des enseignes. À plus forte raison s'ils consentent des baisses de tarif sur leurs majors afin de compenser (en partie) l'effet inflationniste de la loi.

Pour ne rien arranger, les hausses de prix en rayon devraient provoquer des transferts d'achats davantage vers les MDD (dont la compétitivité relative va s'améliorer) que vers les marques de PME. "Nous ne sommes pas en concurrence frontale avec les grandes marques, l'effet prix ne nous profitera pas beaucoup", a prédit Dominique Amirault.

"Que la Feef s'inquiète, c'est normal"

Mais les produits de PME risquent-ils vraiment de se faire éjecter des rayons à l'occasion des prochaines négociations commerciales ? Pas si évident.

"Que la Feef s'inquiète, c'est normal, s'est amusé Jacques Creyssel, le délégué général de la FCD. Mais le mouvement en faveur des PME ne va pas s'éteindre. La source de la croissance, aujourd'hui, c'est quand même l'innovation et la différenciation par le produit. Ce qui va se passer avec le seuil de revente à perte restera marginal."

Depuis deux ans, également, la place croissante des petites marques en rayon ne menace pas vraiment les grands groupes. La part d'offre de ces derniers a légèrement progressé entre 2015 et 2017 (49,0%, +0,5 point), les grandes marques françaises gagnant même 2,2 points (18,2%).

Ce sont en réalité les entreprises de taille intermédiaire qui paient le plus lourd tribut à la croissance des PME et TPE. La catégorie des ETI, un peu fourre-tout, rassemble les fournisseurs dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 millions d'euros et 1,5 milliard d'euros. On y trouve des sociétés comme Fleury Michon, Labeyrie, Triballat, Lutti, Pasquier, etc.

La part d'offre des ETI en GMS, mesure Nielsen, est descendue à 9,0% en 2017, soit 2,7 points de moins qu'en 2015. Ces sociétés pèsent moins dans les assortiments, désormais, que les PME.

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