La fidélité ? Une question de facilité
Les clients ? Ils ne sont pas bien vaillants. A les interroger comme nous l'avons fait dans les magasins d'une même ville, il ressort que les premiers critères de fréquentation restent, en gros, la proximité et l'habitude. Dans la petite commune bretonne de Vitré, l'argument de la proximité peut paraître surprenant puisque tous les magasins, à peu de choses près, se font face. Et pourtant…
"Psychologiquement, nous sommes en dehors de la ville, analyse par exemple le propriétaire d'un des hypermarchés. Un rond-point à franchir, parfois, c'est énorme." "A côté du travail", "proche du domicile", "plus facile d'accès", "sur ma route", sont les explications qui reviennent le plus souvent dans la bouche des clients interrogés pour motiver leurs choix.
En corollaire, les habitudes prises sont très difficiles à faire changer. Si les courses ne sont pas nécessairement une vraie corvée, elles ne sont pas non plus une partie de plaisir durant laquelle on aime flâner. Trouver facilement ses produits est un impératif. Sur les 135 clients interrogés, 12 seulement revendiquent un zapping systématique, sans magasin principal, au nom de la diversité. Les autres se sont forgé des préférences. Ils se contentent le plus souvent d'un ou deux magasins dont ils connaissent les rayons. Tout réaménagement des gondoles, au passage, s'apparente à un traumatisme. Les rares excursions en dehors de ce périmètre familier sont cantonnées à des petits achats de dépannage, qui ne demandent pas de parcourir tout un point de vente.
Le client va où il connaît et au plus près. Mais le travail mené par les magasins sur les autres clefs de fréquentation, à commencer par les prix, n'est pas pour autant inutile. Le thème "moins cher, meilleures promos" fait partie des trois premières raisons de choisir un magasin, pour des courses principales ou secondaires. Le lien avec le positionnement de l'enseigne, ici, est très net. L'argument revient plus souvent chez les clients de Leclerc ou de Netto.
Ceux qui fréquentent Netto, en général, font vraiment attention à la question. Ils ont comparé les prix, la qualité, fait le tri dans les propositions du discounter pour remplir leur panier. Quant aux autres, chez Leclerc notamment, la perception des prix repose aussi beaucoup sur leur "impression" ou, plus sûrement, sur la communication du magasin. Bref, le chaland, même sensibilisé, ne fait pas toujours l'effort de vérifier par lui-même.
L'attention portée aux étiquettes, en réalité, n'est pas si importante qu'il n'y paraît. En sortant Netto du champ de comparaison, 35 % des clients interrogés estiment que les prix, l'un dans l'autre, se valent partout. Auxquels il faut ajouter 27 % de sondés qui ne savent pas si un hypermarché de la ville est moins cher qu'un autre.
Les clients, finalement, sont très attachés à leur routine. La notion de confort d'achat est intimement liée aux habitudes, aux repères pris dans les magasins. La commune de Vitré, dans laquelle l'étude a été réalisée, n'est pourtant pas une bourgade rurale isolée. A vingt-cinq ou trente minutes de voiture, l'agglomération de Rennes aligne cinq hypers de 10 000 m2, qui interdisent tout assoupissement aux magasins vitréens.
Si la tendance à la "facilité" est naturelle chez bon nombre de consommateurs, deux éléments viennent ici conforter cette situation. D'abord, la très bonne tenue générale des points de vente. A Vitré, un hyper est neuf (l'Intermarché s'est construit il y a trois ans) et les trois autres magasins, récemment refaits ou agrandis, sont tout aussi clinquants. Pas de raison évidente, donc, d'en délaisser un au profit d'un autre. Ensuite, l'étude illustre de façon criante le résultat de neuf ans de régime loi Galland. Deux clients sur trois ne font plus attention aux prix ou estiment qu'ils se valent d'un hyper à l'autre. Pour l'heure, la situation a en partie profité au Netto de la ville. Mais la liberté grandissante des distributeurs en matière de prix va peut-être finir par bousculer ces habitudes.