« L’analyse de la jurisprudence est devenue essentielle pour éviter un refus ».
Quels sont les recours possibles contre la décision rendue par une commission départementale d'équipement commercial ?
Le premier type de recours est ouvert au pétitionnaire mais aussi aux membres de la commission départementale qui souhaitent contester une décision. Il s'effectue auprès de la commission nationale d'équipement commercial (CNEC) dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Le second type de recours concerne également le pétitionnaire mais aussi les tiers au dossier, le plus souvent des concurrentes qui souhaitent dénoncer un excès de pouvoir. Il se réalise auprès du tribunal administratif dans les deux mois de la publication de la décision (affichage et insertions dans deux journaux locaux) pour les tiers et dans les deux mois de la notification pour le pétitionnaire. En cas de contestation en CNEC, le préfet, le pétitionnaire et même les tiers peuvent saisir le Conseil d’Etat.
En cas de recours du pétitionnaire devant la CNEC ou d’un concurrent devant un juge, quels sont les points critiques au niveau de la forme ?
Le principal élément de forme repose sur la définition du chiffre d'affaires prévisionnel et sur la délimitation de la zone de chalandise. En fonction de la nature du projet et des caractéristiques de l’équipement commercial environnant, les demandeurs peuvent être tentés de minorer la zone de chalandise. L'objectif est alors d'exclure certaines communes où sont implantés de nombreux équipements commerciaux. A l'inverse, les demandeurs peuvent majorer la zone de chalandise pour minorer l’effet de la création du magasin considéré.
Quels sont les risques encourus ?
Ces deux tentations sont sanctionnées par la CNEC et, le cas échéant, par le juge administratif, qui contrôlent la sincérité des informations contenues dans la demande d’autorisation. Ainsi, la jurisprudence du Conseil d’Etat a amené, depuis 2002, la commission nationale, composée exclusivement d’agents de l’Etat et non d’élus comme en CDEC, à prêter une attention particulière à la constance dans le temps de la zone de chalandise. Sa délimitation ne doit pas varier de façon abusive selon les effets d’attraction supposé des équipements commerciaux concurrents.
Comment délimiter alors de manière la plus juste la taille de sa zone de chalandise ?
Le mode d’emploi est précisé par une récente circulaire du ministre du Commerce et de l’Artisanat datée du 7 mars 2005. La procédure est simple. Il faut dorénavant délimiter sa zone de chalandise sur la base du critère de temps d’accès au site, puis faire l’inventaire des équipements commerciaux existants au sein de la zone. Beaucoup d’enseignes avaient tendance à faire l’inverse.
La jurisprudence semble de plus en plus orienter les décisions des différentes commissions et des juges…
L’élaboration d’un dossier de création ou d’extension est devenue une affaire de juristes tant le juge administratif exerce un véritable rôle de gardien de la légalité des décisions des commissions. Mais si les critères du juge administratif sont en pleine évolution, il n’en demeure pas moins que le contrôle exercé sur le fond a été assoupli, à l’exception du contrôle sur le respect du droit de la concurrence. Cela va dans le sens des conclusions du rapport Canivet sur la loi Galland, qui sont assez sévères sur les effets des abaissements des seuils de soumission à autorisation résultant de la loi Raffarin. Outre qu'elle n'est pas parvenue à protéger le petit commerce, ce rapport estime que cette loi a créé une rente de situation pour les distributeurs titulaires d’autorisations, renforçant leur pouvoir et favorisant la concentration du secteur.
L'examen de la densité commerciale du projet ne semble plus être l'unique critère de décision.
Auparavant, si la densité commerciale de la zone de chalandise, le cas échéant pondérée par l’expansion démographique, était supérieure aux moyennes de l’arrondissement, du département et de la France entière, l’autorisation était refusée. La jurisprudence incite désormais à procéder à une analyse plus fine de l'impact du projet sur le petit commerce. Lorsque que la densité commerciale est supérieure aux différentes moyennes, la CNEC est tenue d’examiner si le dossier présente d’autres avantages au regard de la réglementation d’urbanisme commercial. En effet, le juge administratif a admis ainsi que l’accroissement de la concurrence entre distributeurs puisse, par exemple, être un élément militant en faveur de la délivrance d’une autorisation.