C’est peu de dire qu’avec ses 8,1 % de marge d’exploitation, Franprix-Leader Price constitue un formidable tiroir-caisse pour le groupe Casino. Générant un cinquième du CA du distributeur stéphanois, l’enseigne de soft discount contribue à près d’un tiers de ses bénéfices totaux. Une vraie prouesse et une confirmation sans cesse renouvelée de la pertinence du concept inventé au début des années 70 par Jean Baud, alors modeste grossiste parisien. Mais Jean-Charles Naouri, qui depuis 1997, via Asinco, possède le contrôle de l’affaire (70 %), n’est pas le seul à profiter de cette véritable pépite. Sur les 1 000 points de vente français rattachés à Baud SA, 450 sont gérés en franchise : 300 Franprix et 150 Leader Price. Parmi eux, bon nombre sont exploités par des master-franchisés qui, détenant plusieurs dizaines de points de vente, se sont constitués de jolis patrimoines. Même si, afin de verrouiller son réseau, le franchiseur de Chennevières-sur-Marne s’est arrangé pour posséder 60 % du capital de chacun des magasins de ces partenaires privilégiés.

Une mosaïque d’entrepreneurs

Excessivement discrets, ces master franchisés sont, pour la plupart d’anciens épiciers pieds- noirs, rentrés en Métropole après la guerre d’Algérie. Installés en famille de ce coté-ci de la Méditerranée, leur sens du commerce leur a rapidement permis de s’intégrer au réseau que Jean Baud était en train de constituer. D’abord avec des Franprix, en région parisienne, puis, à la faveur de l’expansion de Leader Price, sur l’ensemble du territoire. Dans le premier cas, le profil type du magasin est une supérette dont le CA moyen oscille aujourd’hui entre 3 et 5 millions d’euros. Dans le second, il s’agit de surfaces discount dont les rendements, pour les plus grands peuvent atteindre 15 millions d’euros.
Pour la première fois, Linéaires est en mesure de dresser un panorama de cet étonnante galaxie. On retrouve là les Lévy, avec notamment Denis et sa sœur Jeanne Attignac, mais aussi Maurice Dahan, Jean-Louis Ghouzi ou encore la famille Hadjez. Une mosaïque d’entrepreneurs, qui accueille aujourd’hui sa seconde génération, et dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle contraste avec les schémas en vigueur dans les grands groupes intégrés.
Inutile, pourtant, de chercher à sonder les intéressés sur le secret de leur réussite ou sur les spécificités de leur organisation. « Seul Monsieur Baud est habilité à parler de nos affaires » s’entendent rétorquer les éventuels curieux. Lequel Jean Baud, toujours aux commandes de son paquebot malgré ses 86 ans, ne s’est jamais montré très loquace …

Casino s’est engagé à racheter leurs parts avant 2020

Reste le rapport annuel du groupe Casino qui, via sa filiale Asinco, consolide les résultats de chacune des holdings familiales des master-franchisés en question. A la rubrique des engagements hors-bilan, quelques lignes en italique précisent qu’en vertu d’un pacte d’actionnaires conclu avec les détenteurs de participations minoritaires, les dites-familles assurent la direction et la gestion des sociétés concernées. On y apprend également l’existence de promesses d’achat / vente, « pour la plupart réciproques », qui courent jusqu’en 2020 et dont le prix est fonction des résultats opérationnels des entités concernés… Autrement dit, plus les sociétés gagnent d’argent, plus le désengagement de leurs propriétaires sera confortable. On peut cependant faire confiance au stratège financier qu’est J.-C. Naouri pour que les transactions soient les plus digestes possibles pour Casino. Tout d’abord, par contrat, la valeur maximale des affaires aurait été précautionneusement plafonnée. Ensuite, des dispositions, sous forme de période de gel, ont manifestement été prises pour optimiser le calendrier. Objectif : éviter que la levée de ces options ne coïncide avec les autres engagements exerçables par le groupe chez Monoprix, Cora, Vindémia ou le Néerlandais Laurus.

Les principaux master-franchisés du réseau

Les familles possèdent généralement 40 % des holdings, en-dessous desquelles se trouvent les sociétés d’exploitation, une par magasin. Casino y est le plus souvent représenté par Daniel Jux, le patron d’Asinco, l’interface capitalistique, ou par Jacques Tierny, directeur général adjoint en charge des finances chez Casino.
A elles quatre, ces holdings permettent à Casino de consolider plus de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires, une contribution équivalente à 18 % du CA total de Franprix Leader Price.