Et si Leclerc et la FNSEA marchaient main dans la main ?

Michel-Édouard Leclerc et Christiane Lambert, présidente de la FNSEA

Le face-à-face médiatique entre Michel-Édouard Leclerc et Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, cristallise les premiers débats des états généraux de l'alimentation. Ces deux meilleurs ennemis, pourtant, sont d'accord sur bien des points.

"Elle est naïve." "C'est un tyran." Le ton monte, par voie de presse interposée, entre le premier distributeur de France et la patronne du plus gros syndicat agricole du pays. En cause : leur position diamétralement opposée sur la question de la hausse des seuils de revente à perte.

Le dossier des SRP, pourtant, n'est pas aussi central qu'il en a l'air s'agissant de la juste rémunération des agriculteurs. Il ne figurait même pas, d'ailleurs, dans les premières revendications formulées par la FNSEA.

La contractualisation, les renégociations en cours d'année : ils sont OK

La priorité du syndicat, en matière de négociations commerciales, c'est un renforcement de la contractualisation afin que les coûts de revient agricoles réels soient pris en compte dans la fixation des prix. De la même manière, la FNSEA réclame que s'imposent aux enseignes des clauses de renégociation dans l'année pour répercuter les fluctuations des cours agricoles.

Deux propositions que Leclerc a déjà... acceptées. Le distributeur appelle de ses vœux un nouveau cadre législatif pour permettre "des accords de prix plus rémunérateurs que les cours". Il se dit favorable aux contractualisations longues "qui feraient référence aux coûts de production" et valide la prise en compte des évolutions de cours pendant la période des contrats.

L'encadrement des promos : ils sont OK

La FNSEA réclame aussi l'interdiction des prix "abusivement bas" et milite pour un encadrement des promotions. Même s'il est moins chaud pour tailler dans ce qui reste tout de même son fonds de commerce, Leclerc joue (en partie) le jeu. OK pour limiter les promos sur les produits agricoles qui, par leur excès, pourraient "dégrader l'image prix d'un article". Et, s'il ne se risque pas à définir ce que seraient des prix abusivement bas, le distributeur se dit prêt à plaider à Bruxelles pour l'instauration de prix minimum "en cas de crise".

Les deux parties militent aussi, enfin, pour davantage de regroupement chez les producteurs et un renforcement des interprofessions (dans lesquelles Leclerc, au passage, voudrait voir la distribution s'inviter).

Une bataille de com perdue pour Leclerc ?

Bref, tout à sa lutte contre le projet, de plus en plus tangible, d'une hausse des SRP, Leclerc donne quasiment un satisfecit aux revendications de la FNSEA. Mais le syndicat agricole fait aujourd'hui du SRP augmenté un symbole, une arme contre "la guerre des prix suicidaire". Les autres distributeurs (ceux de la FCD) et les gros industriels (Ilec, Ania) faisant aussi front contre Leclerc.

Le sujet, trop technique pour le grand public, relègue le parangon des prix bas au rang de distributeur crispé sur ses conditions d'achat, qui refuserait toute hausse de rémunération des agriculteurs. Une soixantaine de députés La République en Marche se sont même joints au concert des opposants à Leclerc en usant (et abusant) de ce raccourci.

Une fois n'est pas coutume, l'enseigne pourrait bien, ici, perdre la bataille de la communication, malgré la campagne de publicité lancée cette semaine. Son argument sur la hausse du prix de la lessive Ariel, qui n'aidera en rien les agriculteurs ? Il fera pschitt si l'augmentation des SRP ne concerne finalement que les produits alimentaires, comme c'est envisagé. Même si on se demande bien, alors, par quel tour de passe-passe le législateur arriverait à justifier une telle distorsion.

"Une charte de bonnes pratiques"

Le 8 octobre, sur France3, le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert a confirmé que le gouvernement "souhaitait relever le seuil de revente à perte". Pour que les distributeurs ne soient plus tentés de récupérer sur les produits agricoles les marges qu'ils perdent sur les grandes marques à cause de la guerre des prix.

Pas tout à fait naïf sur le fait que cette mesure restait sans impact direct sur la rémunération des producteurs, le ministre a prévenu qu'il allait "s'assurer que ce relèvement retournerait dans la poche des agriculteurs". Il n'a toutefois pas détaillé sur quelles mesures précises il comptait s'appuyer, évoquant simplement "une charte de bonnes pratiques" signée par les distributeurs, les industriels et les producteurs. Un peu court, à ce stade...

Le 11 octobre, le président Emmanuel Macron rendra publics ses arbitrages sur le sujet, censés conditionner les négociations annuelles 2018.

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