Dans les coulisses d’un saisonnier
« Vous ne vous improvisez pas saisonnier, c’est plus dur mais moins monotone qu’à l’intérieur des terres ». Pour Joël Durand, adhérent Intermarché à Noirmoutier (85), chaque saison estivale est une nouvelle aventure. Sur l’île, la population est multipliée par douze et atteint 120 000 personnes au plus fort de l’été. Autant dire que les 2 500 m2 du supermarché sont à géométrie variable, et s’adaptent à chaque grande période de l’année.
Tout est planifié et il ne reste que peu de place à l’improvisation, car ces deux mois d’été représentent 45 % du chiffre d’affaires annuel. Au fil de la saison, le point de vente modifie sa morphologie et utilise autant que possible les 700 m2 supplémentaires d’exposition saisonnière qu’il a obtenus depuis 2006. Dès la moyenne saison, de mars à fin juin, un chapiteau de 200 m2 présente en extérieur une grande partie des produits saisonniers et de plein air. A l’intérieur, le mail de 500 m2 est occupé par les produits plus volumineux. Début juillet, la priorité est au parking et le chapiteau est retiré pour gagner des places. A l’intérieur, le mail accueille alors une boutique de produits régionaux et les gondoles s’écartent pour élargir l’allée saisonnière.
Pas de vide en hiver
« Nous avons véritablement un magasin en accordéon » s’amuse Joël Durand. Le mobilier a été choisi particulièrement modulable, pour ne pas faire « vide » en basse saison. A l’automne, le frais libre service supprime la septième étagère de ses rayons, qui représentait en été un stockage d’appoint. A l’arrivée des beaux jours, le rayon fruits et légumes substitue à certains meubles des cageots empilés pour faciliter la remise en rayon des grosses sorties. La location de meubles froids à groupe logé, installés devant les rayons traditionnels, devient par ailleurs indispensable. « Ici, le magasin vit l’hiver et la mobilité des linéaires permet de ne pas en fermer une partie, c’est aussi une manière de soigner notre clientèle locale. »
Mais pour jouer de cet accordéon, il faut tripler le personnel en été, et s’adapter à l’affluence qui décuple presque le nombre de passages en caisse, pour atteindre 5 500 Caddie quotidiens. Les 50 permanents intègrent ainsi 90 à 100 saisonniers et ne prennent pas de vacances entre la première semaine de juillet et la dernière semaine d’août. Travailler dans un magasin côtier, c’est aussi pour les salariés faire une croix sur la plupart des vacances scolaires. « Les saisonniers sont toujours encadrés par un permanent, mais un peu plus d’un tiers d’entre eux reviennent, et ils peuvent après deux ou trois ans passer les commandes », explique Joël Durand. Au rayon fruits et légumes, deux permanents accueillent ainsi six saisonniers. « Il faut souvent tout leur apprendre, y compris comment manipuler avec soin les fruits », explique le chef de rayon. Et on peut dire qu’ils en manipulent, si on compte les deux palettes de tomates et les deux palettes de melons vendues chaque jour au plus fort de la saison.
6 fois plus de personnel à la réception
La réception est le premier des goulots d’étranglement à maîtriser. « Il y a en permanence deux à trois personnes en été, contre un mi-temps en hiver, comptabilise l’adhérent. On est livré tous les jours en frais comme en sec, et même parfois deux fois par jour pour le frais. » Ce personnel de réception supplémentaire permet de traiter les déchets d’entrée et de sortie, de ranger les palettes. Ils effectuent « l’approchement » des marchandises en froid comme en sec, pour faire gagner du temps au personnel de mise en rayon. Il y a en permanence quelqu’un de 4 h du matin à 6 h du soir sur le quai, pour assurer la fluidité des marchandises.
Autre saut périlleux à effectuer : la mise en rayon. Le remplissage se fait le matin avant l’ouverture et le midi. Ensuite, deux personnes tournent en permanence l’après-midi pour le remplissage de l’épicerie sèche et des liquides. C’est l’occasion de remplacer les quatre palettes d’eau premier prix qui partent en moins d’une journée ! Des palettes entières restent en attente devant la réserve, à côté d’un autre indispensable de l’été, le charbon de bois, qui s’écoule lui aussi à hauteur de quatre palettes quotidiennes.
Chouchouter les saisonniers
La saison s’étalant de plus en plus dans le temps, l’ouverture dominicale gagne la moitié de l’année, d’avril à octobre. Les horaires d’ouverture du magasin sont néanmoins raisonnables : la fermeture est repoussée de 19 à 20 h, et l’ouverture reste à 8 h 30. « C’est un choix que nous avons pris pour ménager notre personnel permanent, qui se lève tôt et n’a pas de vacances en été », remarque Joël Durand. Pour préserver les soirées, le ménage est fait le matin. C’est aussi pour répondre à une demande forte des saisonniers, qui profitent ainsi de leurs soirées : « Ils pourraient être plus opérationnels le matin avec une autre organisation, mais cela permet aussi de renforcer la cohésion de leurs équipes », explique l’adhérent. Des animations sont réalisées en synergie avec la discothèque voisine : pour fédérer permanents et saisonniers, les soirées à thème sont annoncées en magasin et les hôtesses de caisse jouent le jeu. Un local entier est dédié à leurs tenues spécifiques pour l’occasion : jaune pour Brice the Nice, par exemple. Cette année, elles auront droit à Disco ! « Nous n’avons pas observé une seule scission depuis que nous avons mis en place ces animations », se félicite Joël Durand.
La valse des palettes
Pendant la saison d’été, l’activité commerciale conventionnelle est suspendue. « Aux alentours du 9 juillet, on arrête les prospectus et on ne les reprend pas avant le 12 août, sinon ce serait ingérable, explique Daniel Galvan, directeur du magasin. En été, on fait un chiffre d’affaires d’hyper alors que nous sommes 140 à travailler. » Toute la physionomie des rayons en est transformée. Les têtes de gondoles servent à « tenir les grosses sorties ». Côté épicerie, ce sont les huiles, le thon et le maïs, dont les ventes explosent et sont plus que multipliées par dix. « En hiver on compte en semaines, en été on compte par jour, s’amuse la chef de rayon épicerie. On vend moins de dix boîtes par semaine de maïs à notre marque hors saison, en été on en vend au moins 120 par jour. » Des sacs de pâtes de 5 kg répondent aux besoins en sucres lents des colonies de vacances de jeunes Pantagruels, qui semblent aussi apprécier les sucres rapides : les bonbons disparaissent par boîtes de 1 kg dix fois plus vite.
Sur les produits régionaux, le contraste est saisissant. On compte pas moins de 40 références de sels de Noirmoutier, dont près de 50 t s’écoulent en un mois. Ce rayon doit, comme les autres, être rempli deux fois par jour. Le plus impressionnant reste peut-être la brioche vendéenne, « une de nos plus grosses ventes » selon Daniel Galvan. En hiver, trois facings de cartons remplis deux fois par semaine suffisent. En été, ils sont 14, remplis chaque jour plusieurs fois. « On en vend au moins cinq palettes par jour, soit un semi-remorque par semaine », assure le directeur.