Comment Bompard veut faire fondre la masse salariale de Carrefour
Linéaires a fait ses calculs. En mettant bout à bout les suppressions de postes, les transferts de magasins à des tiers et les gains de productivité, Carrefour pourrait économiser en France l'équivalent d'au moins 7000 salaires. Soit 6% des effectifs du pays.
Le premier chiffre annoncé (et, au départ, le seul) par Alexandre Bompard dans son plan de transformation concerne les 2400 postes supprimés dans les sièges. C'est l'information qui fut le plus souvent reprise par les médias.
Le dirigeant, par la suite, a précisé que 2100 emplois étaient concernés par les 273 anciens Dia dont il entend se débarrasser. Concrètement, tous les salariés ne perdront pas leur travail. Si les magasins sont rachetés, ils changeront d'employeur. Si les points de vente sont fermés, Alexandre Bompard a promis de proposer un reclassement à "au moins la moitié" des collaborateurs qui se retrouveraient sur le carreau. Mais comme on imagine mal le PDG gonfler subitement les effectifs dans d'autres magasins, une partie de ces reclassements au moins se substituerait à des recrutements de toute façon prévus.
600 postes en location-gérance
Les cinq hypermarchés qui passeront en location-gérance représentent eux un effectif cumulé d'environ 600 postes. Là encore, sans perte d'emploi à la clé (même si les salariés se retrouvent privés de plusieurs avantages sociaux). Foyers de pertes pour Carrefour, ces hypers resteront sous enseigne mais sortiront des comptes du groupe.
Un volet supplémentaire d'économies, non présenté le 23 janvier, concerne pourtant tous les hypermarchés intégrés de Carrefour France. Un plan de "simplification et centralisation" des tâches administratives, couplé à la disparition de postes de caisse en stations-service, doit permettre de faire disparaître selon nos informations environ 500 postes de plus à l'échelle nationale. Avec des mesures d'accompagnement, sur la base du volontariat et des reclassements possibles.
Des drives transformés en points de retrait
La mise en service, début mars, d'une plate-forme de préparation de commandes ("PPC") en Ile-de-France va conduire à alléger les effectifs des drives qui seront transformés en simples points de retrait. Toujours selon les informations de Linéaires, 20 sites sont concernés par la première vague de branchements à la PPC, dans lesquels près de 200 postes au total sont amenés à disparaître (mais avec propositions de reclassement). La préparation des commandes, elle, sera confiée à STEF, le prestataire qui exploite la plate-forme pour Carrefour.
Pour être complet, le volet PPC prévoit aussi l'ouverture de drives supplémentaires (c'est même tout son intérêt). 11 points de retrait verront le jour dans un premier temps, sur des sites où aucun drive n'existait, conduisant à la création de 80 emplois.
Appel à la grève
D'autres mesures du plan de relance d'Alexandre Bompard auront également des conséquences sur l'emploi. Mais leur impact social n'a été chiffré ni devant la presse, ni devant les syndicats, qui s'en alarment.
Selon FO, en hypers, les partenariats avec d'autres opérateurs dans les rayons non-al ainsi que le plan de réduction de surfaces à hauteur de 100.000 mètres carrés conduiront nécessairement à des suppressions de postes.
De même, la stratégie de transferts de magasins en location-gérance, si elle est nouvelle en hypers, est une pratique déjà bien installée en supers. FO affirme que 30 Carrefour Market supplémentaires doivent ainsi changer de mains en 2018.
Pour ces deux volets, le syndicat brandit sa propre estimation : selon lui, 2700 emplois supplémentaires sont en jeu. Majoritaire chez Carrefour, FO appelle à une mobilisation le 8 février prochain.
14% de frais de personnel
Même si, par prudence, on ne retient ici que la moitié du chiffre annoncé par le syndicat, l'accumulation de toutes ces mesures devrait bien permettre à Carrefour d'économiser au moins 7000 salaires en France (sans parler des gains de productivité chez Carrefour Supply Chain). Sur un total de 115.000 collaborateurs, c'est déjà 6% de l'effectif.
La masse salariale, chez Carrefour, n'a pas cessé de prendre du poids ces dernières années. A l'échelle du groupe, entre 2012 et 2016, elle est passée de 9,85% à 10,75% du chiffre d'affaires.
En France, selon une indiscrétion recueillie par Linéaires, les frais de personnel se monteraient à 13 ou 14% du CA. En taillant dans les effectifs à hauteur de 6%, le ratio pourrait baisser de 0,8 point.