Nouveaux concepts
Changements de repères
Où s'arrête le gros supermarché ? Où commence le petit hypermarché ? La limite officiellement fixée, le fameux seuil des 2 500 m², a perdu depuis longtemps de sa pertinence. L'émergence d'un format à part entière, mi-super, mi-hyper, et dont la surface tourne justement autour de cette zone frontière, ne fait plus guère de doute. Chez Système U, on en a même fait la tête de pont du mouvement, de nombreux associés préférant conserver l'enseigne Super U bien au-delà des 2 500 m².
Profitant de l'espace de rencontre et de réflexion que représente l'Institut français du merchandising (IFM), les distributeurs se sont penchés sur cette question de la classification des magasins par surface. Chacun, évidemment, s'est inspiré de son propre parc pour construire sa proposition. Mais un consensus a été obtenu, validé par la fédération du commerce et de la distribution (FCD) et présenté au public lors des dernières journées annuelles de l'IFM, fin novembre.
Principaux changements : les magasins restent des supérettes jusqu'à 800 m² (contre 400 m² précédemment) et on parle de supermarchés jusqu'à 4 000 m². Si le statut d'hypermarché y gagne une homogénéité encore toute relative (il en existe de 4 000 m²... à 25 000 m²), le format fond littéralement de plus de 40 % dans le paysage alimentaire français. Le supermarché, désormais, regroupe aussi bien des petites surfaces à vocation alimentaire et des gros magasins, souvent ruraux, avec une offre importante en non-alimentaire. Mais au global, l'effectif du parc subit une cure d'amaigrissement de plus de 18 %. Tandis que le nombre de supérettes progresse de 43 %.
"L'objectif de la démarche est de proposer une segmentation qui s'inscrit dans la réalité du commerce, explique Franck Salvador, délégué général de l'IFM. Mais la porte reste ouverte aux distributeurs, aux industriels et aux prestataires de service du secteur pour amender cette proposition. A partir de mars 2004, la FCD devrait prendre le relais pour communiquer cette nouvelle segmentation, notamment auprès des pouvoirs publics."
Dans le détail, la typologie distingue des petits supermarchés (de 800 à 1 200 m²), des moyens (1 200 à 2 500 m²) et des grands supers (2 500 à 4 000 m²). De même, les hypers sont petits de 4 000 à 7 000 m², moyens de 7 000 à 10 000 m² et grands au-delà. Enfin, le " maxi-discount ", notamment caractérisé par un assortiment inférieur à 3 000 références (ce qui est systématiquement le cas à ce jour), est divisé en deux catégories, selon que les points de vente font plus ou moins de 800 m².
Suivi statistique
Mais aucune autre notion que la surface n'est introduite. Alors qu'en matière d'offre (répartition entre alimentaire et non-al), un magasin de 5 000 m² en périphérie urbaine peut par exemple rester très proche d'un 3 000 m², voire d'un 2 000 m², implanté en milieu rural. " Le poids du non-al dans le chiffre d'affaires, l'environnement rural ou urbain sont des données importantes mais on entre ici dans l'analyse des stratégies d'enseignes, se défend Franck Salvador. Notre segmentation devait respecter deux contraintes : d'abord être admise par le plus grand nombre, ensuite reposer sur des variables identifiables et exploitables dans une base de données. " En clair, la nouvelle typologie devait rester compatible avec les statistiques déjà existantes sur le parc alimentaire français.
Quoi qu'il en soit, une telle initiative a le mérite de dépoussiérer une classification inchangée depuis sa création. Au passage, elle va dans le sens de plusieurs chantiers ouverts par les distributeurs : étonnamment, tout le monde ou presque travaille en ce moment à un nouveau concept. Et dans le même temps, cette typologie vient aussi chatouiller quelques enseignes sur leur positionnement.
Pour Intermarché, le parc de magasins a toujours compté une écrasante majorité de supermarchés. Mais là, l'enseigne pourrait à peine s'enorgueillir d'arriver à une vingtaine d'hypers. Est-ce pour autant si important ? Tous les Mousquetaires implantés en milieu rural sont depuis longtemps attachés à leur vocation d'hypermarché (offrir du non-al), quand bien même ils ne feraient que 2 000 m². Et ils pourront certainement retrouver ce positionnement dans le concept actuellement mis à l'étude par le groupement.
Chez Système U, Hyper U pourrait se trouver davantage ébranlé. Environ la moitié des hypermarchés du parc réintègre la catégorie des supermarchés. De quoi conforter tous les propriétaires de gros Super U qui n'ont pas souhaité changer d'enseigne. Mais aussi embarrasser des Hyper U qui pourraient, de fait, se faire de plus en plus rares. En revanche, la place plus importante accordée aux supérettes va dans le sens de la réflexion engagée par le groupement sur une segmentation de sa branche proximité.
De même, chez Leclerc, il devient difficile de revendiquer comme objectif un parc " 100 % hypers " ou presque (ce qui était le ton adopté ces dernières années). Alors que quatre magasins Leclerc sur cinq étaient déjà des hypermarchés, la nouvelle typologie reclasse plus de la moitié du parc de l'enseigne dans la catégorie des supers. Une coïncidence ? L'événement tombe au moment même où le groupement se penche sur ses supermarchés urbains, pour en faire un concept à part entière.
Pour le groupe Casino, la nouvelle importance accordée aux supérettes traduit une réalité bien concrète. Le distributeur n'en finit pas, en effet, de louer les performances de sa branche proximité en matière de rentabilité. Au point d'ailleurs qu'une nouvelle enseigne soit en cours de lancement sur ce marché : Casitalia, des magasins spécialistes des produits italiens.
Des Géant qualifiés de supermarchés
En revanche, pour les hypermarchés, la segmentation des surfaces ne correspond pas tout à fait aux conceptions du groupe. Casino aurait souhaité placer la frontière entre hypers et supers à 3 000 m². De manière générale, Géant est une enseigne d'hypermarchés moyens ou petits : le dernier concept Magellan revendique même une fonction de proximité pour ces magasins. Mais Géant aurait sans doute voulu éviter à plus d'une dizaine de ses points de vente de se voir qualifier de supermarchés.
Chez Carrefour aussi, la nouvelle typologie relègue une dizaine d'hypermarchés parmi les supers. Mais le distributeur assume mieux cette contradiction, puisque sa proposition à l'IFM s'accordait sur le seuil de 4 000 m². Sûrement, d'une part, parce que son parc compte deux fois plus d'hypers que Géant : la " perte " est donc relativement deux fois moins importante. Et peut-être aussi, d'autre part, parce que le groupe envisage de convertir ceux qui ne pourraient être agrandis en Hyper Champion. Carrefour est en tout cas en train de préparer un nouveau concept pour cette enseigne particulière. Signe d'un prochain redéploiement ?
Pour Cora ou Auchan, l'impact est moins marqué. Le groupe de Philippe Bouriez ne serait " privé " d'aucun hypermarché, le distributeur nordiste de seulement sept. Il est également intéressant de noter que dans ses propositions, Auchan ne mentionnait pas de seuils de surface pour le maxi-discount et ne plafonnait pas l'assortiment, puisqu'il en faisait le critère de segmentation du circuit (moins de 1 000 références et plus de 1 000 références). Peut-être parce que le groupe, qui va procéder au deuxième test grandeur nature de son concept Halles d'Auchan, anticipait ainsi le développement d'une génération d'hypermarchés hard-discount.
Repères
Supérettes : de 120 à 799 m²
Aucune sous-segmentation des supérettes n'a officiellement été adoptée, mais il serait logique de distinguer des " petites " de moins de 400 m² (70 % des supérettes) et des " grandes " de 400 m² à 799 m² (30 % du parc).
Supermarchés : de 800 à 3 999 m²
Deux seuils intermédiaires sont fixés. Moins de 1 200 m² pour les petits supers (27 % des magasins) et moins de 2 500 m² pour les moyens (61 % du parc). Restent 11 % de grands supermarchés.
Hypermarchés : à partir de 4 000 m²
52 % des hypermarchés sont des "petits" (moins de 7 000 m²). 28 % sont des "moyens" (moins de 10 000 m²). Et 20 % sont des "grands" de 10 000 m² ou plus.
Hard-discount : moins de 3 000 références
Baptisé maxi-discount, le format est défini par son assortiment et segmenté par surface. 82 % font moins de 800 m² et 18 % sont au-dessus.
Source : IFM - TradeDimensions