Casino a-t-il vendu ses bijoux de famille en cédant l'Asie ?

Un hypermarché du groupe Casino au Vietnam (photo Anne Van Der Stegen)

Jean-Charles Naouri, lors de l'assemblée générale du groupe Casino ce 13 mai, a défendu point par point sa stratégie de désendettement. Avec une ligne directrice évidente : convaincre son auditoire que la cession de l'Asie relevait plus d'un choix offensif que défensif. Décryptage.

Confronté à un cours de Bourse en chute libre en 2015 (dont l'effondrement s'est accentué en fin d'année sous l'effet des attaques d'un fonds spéculant sur la baisse du titre), critiqué sur son niveau d'endettement, Casino s'est décidé à céder l'ensemble de ses actifs en Asie. Soit 9% du chiffre d'affaires du groupe et… 19% du résultat opérationnel courant en 2015.

Autrement dit une vraie pépite, dont on imagine mal que le Stéphanois ait pu y renoncer sans pincement au cœur.

Mais non, Casino n'a pas vendu ses "bijoux de famille", a asséné Jean-Charles Naouri. Il a au contraire, à le croire, "renforcé le profil du groupe".

La décision, d'abord, s'explique uniquement, selon lui, par les difficultés traversées au Brésil.

"Rotation des actifs"

"La dette du groupe est restée à peu près stable depuis dix ans, a rappelé le PDG de Casino. Mais la valeur du Brésil a baissé depuis deux ans. La dette, parfaitement supportable avant la chute du Brésil, ne l'était plus après."

La vente des actifs en Asie a évidemment servi ce besoin de désendettement, mais s'inscrit, selon un argument déjà bien rodé depuis plusieurs mois, dans une "stratégie de rotation des actifs".

"Depuis des années, nous n'avons pas cessé de céder des actifs, pour nous repositionner sur d'autres jugés plus porteurs", a de nouveau souligné Jean-Charles Naouri. En effet, le distributeur a quitté la Pologne en 2005, Taïwan en 2006, les États-Unis en 2007, les Pays-Bas en 2009, le Venezuela en 2009. Mais il n'avait encore jamais laissé filer d'un seul coup un cinquième de ses résultats.

"La Thaïlande était très rentable, mais cette rentabilité plafonnait depuis quelques années, a nuancé Jean-Charles Naouri. Il nous semble que ce pays approche de la maturité pour la distribution alimentaire : les plus beaux jours étaient derrière nous."

"Au Vietnam, la croissance est très forte et il n'est pas question de maturité, a poursuivi le PDG. Mais la concurrence locale et le mode de fonctionnement du marché sont très durs, ils ressemblent à ceux de la Chine." Il y a encore un an, le distributeur évoquait surtout le "considérable potentiel de croissance" d'un "marché très prometteur".

Le PDG et son directeur financier n'ont eu de cesse de vanter les conditions de sortie flatteuses de ces deux pays. Comprendre : les actifs n'ont pas été bradés, mais au contraire vendus plutôt cher. Les prix obtenus correspondent à 1,7 ou 1,8 fois le chiffre d'affaires, et 17 à 20 fois l'ebitda (le résultat d'exploitation hors amortissements). Ce qui, de fait, représente de bons ratios.

Pure logique financière

"Quand on sort d'un pays en ayant créé beaucoup de valeur pour les actionnaires, ce n'est pas un échec", a martelé Jean-Charles Naouri. Pas faux, à condition toutefois de s'en tenir à une pure logique financière.

A date, le groupe n'a pas annoncé son intention d'investir dans de nouveaux actifs "plus porteurs". Sur les 4,2 milliards d'euros récupérés avec les ventes de la Thaïlande (en mars 2016) et du Vietnam (en avril 2016), 4 milliards seront exclusivement consacrés au désendettement de Casino. De quoi faire passer la dette financière du groupe de 6 milliards à 2 milliards d'euros.

L'affectation des 200 millions d'euros restants, elle, "n'a pas encore été décidée". De nouvelles cessions ont au passage été annoncées, "sur des actifs de plus petite taille, pour un montant de quelques centaines de millions d'euros", sans autre précision.

"Sur la durée, nous avons accru la taille du groupe et sa rentabilité, en même temps que nous avons diminué sa dette", a ajouté le PDG, en se plaçant dans une perspective de long terme. Sur dix ans, et malgré les difficultés traversées en 2015, le titre Casino a offert un retour sur investissement (dividendes inclus) de 33%, ont rappelé les dirigeants du groupe. Contre 21%, en moyenne, pour le CAC 40.

"Oui, nous avons vendu des actifs qui gagnaient de l'argent, mais ces ventes seront compensées par d'autres sources de profit, notamment l'amélioration des résultats en France en 2016, a conclu Jean-Charles Naouri, pariant également sur une sortie de crise du Brésil en 2017. Notre société sera aussi rentable, voire davantage, et avec une dette inférieure. Donc, quelque part, ce sera une génération de profits plus saine."

L'argumentation a porté auprès des actionnaires présents à l'assemblée, qui ont applaudi la direction du groupe en fin de séance. Depuis le début de l'année 2016, grâce notamment aux plans de cession et au redressement de l'activité en France, le cours de l'action Casino est remonté de 42 à 53 euros. Et le dividende proposé au titre de l'exercice 2015 est resté inchangé, à 3,12 euros par action.

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