Carrefour : Georges Plassat renonce à sa prime de départ
Les 4 millions d'euros de prime de départ accordés à Georges Plassat, PDG retraité de Carrefour, étaient contraires aux règles de bonnes pratiques du patronat français. Sous la pression conjointe du gouvernement et du Medef, l'ancien dirigeant renonce à son parachute doré.
Dans un communiqué publié le 16 juin, Carrefour évoque pudiquement "l'incompréhension" suscitée par les conditions financières du départ de Georges Plassat. L'intéressé, selon le distributeur, a fait savoir au conseil d'administration du groupe qu'il renonçait au versement de son indemnité.
Le gouvernement "choqué"
Vendredi 15 juin, l'assemblée générale des actionnaires de Carrefour avait validé les primes et bonus variables accordés à Georges Plassat pour 2017. Samedi matin, avant l'annonce de Carrefour, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait jugé devant l'AFP "incompréhensible et choquant" que l'ancien dirigeant soit "récompensé par des rémunérations très élevées" alors qu'il a "laissé Carrefour dans une situation très dégradée, qui a amené la nouvelle direction à prendre des mesures de restructuration".
La polémique est alimentée à la fois par les critères d'attribution des bonus (au vert alors que la société supprime des emplois) et par l'octroi d'une prime de départ de 4 millions d'euros.
Le code de bonnes pratiques "Afep-Medef" (le guide d’auto-régulation des sociétés cotées) prévoit de renoncer à cette prime lorsque le dirigeant fait valoir ses droits à la retraite. Ce qui était le cas de Georges Plassat.
Des "déviations sérieuses"
Carrefour estimait pouvoir déroger à cette recommandation en assortissant la prime de départ d'une clause de non-concurrence (en l'occurrence valable 18 mois, en France, dans le seul secteur de la distribution alimentaire). Mais cet habillage n'était pas du goût du Medef.
Par l'intermédiaire de son haut comité de gouvernement d’entreprise, le patronat français avait sommé Carrefour de s'expliquer sur les indemnités de départ de l'ancien PDG, considérées comme "des déviations sérieuses" au regard du code d'auto-régulation que la société s'était engagée à respecter.
En renonçant à cette prime, Georges Plassat fait disparaître la partie de sa rémunération la moins défendable sur un plan technique. Mais ses larges émoluments, médiatisés dans un contexte social tendu, continueront de choquer l'opinion publique (et, partant, nombre de salariés de Carrefour).
Son travail à la tête du groupe en 2016 a assuré au dirigeant un revenu total de 9,7 millions d’euros (dont une part variable versée sur plusieurs années). Ses six mois de mandat en 2017 lui auront valu 1,8 million d’euros de revenus.
Mais l'ancien PDG a aussi touché l'an dernier des bonus liés aux résultats des exercices précédents. Certains versements, en retard, se sont même accumulés. Au final, sa rémunération atteint donc 9,2 millions d'euros en 2017 (c'était plus de 13 millions d'euros avec la prime de départ).
Ce montant continuera de faire les choux gras de la presse, qui sans s'embarrasser de détails rapporte ces revenus aux six mois de présence du PDG, et l'assimile donc à un joli cadeau de départ.
Georges Plassat touchera aussi, à vie, une retraite-chapeau de 520.000 euros par an financée par Carrefour. L'ancien dirigeant ne sera toutefois pas resté inactif bien longtemps. Selon Les Échos, il vient d'obtenir un poste de conseiller senior dans une banque d'affaires belge, Degroof Petercam.
Les précédents Daniel Bernard et Lars Olofsson
En 2005, la rémunération de Daniel Bernard, PDG sortant de Carrefour, avait déjà provoqué un tollé médiatique. Il était prévu que le dirigeant perçoive plus de 9 millions d'euros d'indemnité de départ, assortis d'1,2 million d'euros par an de retraite-chapeau. La justice, à l'époque, s'était emparée du dossier et avait fini par annuler ce parachute en or massif.
En 2012, les généreuses conditions de départ de Lars Olofsson, au bilan décevant, ont également suscité la polémique. Notamment parce que Carrefour avait réintroduit pour lui la mécanique de la retraite-chapeau (abandonnée après l'épisode Daniel Bernard) et, pour gonfler le chèque, lui avait accordé 12 années d'ancienneté fictives, prises en compte dans le calcul de la prime.