S’il est une entreprise de distribution qui, face à la panne de croissance des hypers et supermarchés, ne reste pas les deux pieds dans le même sabot, c’est bien Auchan. Depuis deux ans, la liste des initiatives prises par le groupe nordiste en termes de formats et de concepts est véritablement impressionnante. En particulier sur le créneau du discount. Une créativité débordante à laquelle Gérard Mulliez, le toujours très actif président du conseil de surveillance, n’est certainement pas étranger. Certes, l’emblématique patron ne pilote pas les tests en direct. Néanmoins, il est celui qui a mis en place les conditions, humaines notamment, pour faire germer les idées et favoriser la concrétisation des projets. Des projets qui émanent pour l’essentiel des équipes de terrain et qui confirment la capacité de l’entreprise à savoir décentraliser l’imagination.

Des dossiers par dizaines

L’autonomie accordée à Atac pour tester de nouveaux formats est très révélatrice : au cours du printemps, ce ne sont pas moins de trois enseignes que la branche supermarchés du groupe a mis sur orbite. Easy Marché avait été révélé dans Linéaires en mars (n° 201, page 20). Il s’agit d’un concept de supermarché discount à l’intérieur duquel les produits sont regroupés par univers, quelle que soit leur technologie de conservation (frais, surgelés, ambiant). Le premier magasin se trouve dans le Loiret. Deux autres Atac ont été convertis, dont un près de Tours, et trois sites supplémentaires sont à l’étude.
Ce mois-ci, Linéaires dévoile en exclusivité deux nouvelles enseignes, Fredi et Eurobounta, respectivement positionnées sur le créneau des premiers prix et des bonnes affaires à 1 euro. Pour chacune de ces trois enseignes, les mois qui viennent vont être mis à profit pour peaufiner l’organisation commerciale en amont et les méthodes en magasins. On en saura plus à l’automne sur les hypothèses de déploiement, même si déjà, en interne, on évoque plusieurs dizaines de dossiers pour chacune des nouvelles enseignes.

Passage à la vitesse supérieure

En tout cas, en matière de rythmes d’ouverture, Auchan a manifestement changé son fusil d’épaule. Là où, traditionnellement, le groupe ne permettait à ses nouvelles enseignes de se développer qu’en fonction du cash-flow généré, Gérard Mulliez a autorisé le passage de la vitesse supérieure. Comme si sur le discount, il y avait urgence. Le cas du module Self Discount est éloquent. D’ici la fin de l’année, la totalité des 120 hypers hexagonaux aura été équipée. Quant au Marché Vrac, à la fin mai, on comptait déjà sept magasins ouverts en région lilloise. Les Halles d’Auchan, pour leur part, ouvrent un 4e site, à Coignières, en lieu et place de l’ancienne Cave d’Auchan.

Rétro : Im memoriam, Miniper

Il y a vingt cinq ans, c’est à dire bien avant que ne débarquent les premières enseignes allemandes, Auchan s’était déjà essayé au hard-discount. C’est en février 1979 qu’un premier magasin expérimental « Miniper » ouvre à Roubaix. Un an plus tard, deux autres points de vente prennent l’enseigne, à Lille et Roubaix. Fin 84, on compte une dizaine d’unités, toutes dans la région Nord-Pas de Calais, essentiellement sur la métropole lilloise.
« A l’époque, se souvient un ancien cadre, le meilleur moyen d’abaisser les coûts, pour les GMS, étaient de faire livrer directement les magasins, sans passer par les entrepôts. Pour nous, créer un entrepôt aurait véritablement été à contre-culture s’agissant d’approvisionner une enseigne spécialiste des prix bas ». C’est pourtant cette erreur d’appréciation logistique qui eu raison de la chaîne Miniper. Comme l’expliqua d’ailleurs Gérard Mulliez en 2004 à Linéaires : « En lançant cette enseigne, je n’avais pas compris qu’en hard discount, toutes les marchandises doivent venir d’un entrepôt. C’est dommage, cela reste un de mes regrets. » La décision d’arrêter Miniper fut prise en 1985 et les magasins cédés en novembre de la même année. Trois ans plus tard, Aldi ouvrait son premier magasin français à … Croix, à deux pas du siège d’Auchan.