Antoine Guichard : "Casino est passé d’une taille provinciale à une taille mondiale sans rien casser"

Antoine Guichard est décédé samedi 18 mai. Petit-fils du fondateur de Casino, Geoffroy Guichard, il fut un patron réformateur (de 1989 à 1996), qui remit Casino dans la course grâce à une rénovation de fond en comble du groupe familial : statuts, stratégie commerciale, croissance externe, internationalisation, etc.

L’homme s’était longuement confié à Linéaires en 2003, revenant notamment sur plusieurs événements marquants de sa présidence. Extraits.

Antoine Guichard - Archives Linéaires

Sur son adoubement par Pierre Guichard

« Dans l’histoire du groupe et de la famille, les associés-gérants étaient choisis à raison d’un par descendant des enfants du fondateur, soit une sorte de coprésidence à six ! Mais comme dans tout groupe, un leader se dégage et il y a eu un homme fort à chaque génération. Le premier fut mon grand-père Geoffroy Guichard, le deuxième mon oncle Pierre. Quand ce dernier a pris sa retraite, il m’a envoyé un courrier, avec copie à tous les gérants, indiquant qu’il souhaitait que je prenne la présidence du conseil de gérance. Il cassait donc l’usage familial voulant que l’ordre de succession soit donné par l’âge. »

Sur la tentative de fusion avec Carrefour

« Carrefour était un allié naturel pour nous et Denis Defforey un ami de toujours. Un jour, à la fin des années 80, je lui ai proposé de fusionner. Nous étions d’un poids à peu près équivalent à l’époque, il était très fort en hypermarchés et nous en supers et en petites boutiques. A l’époque, Michel Bon dirigeait Carrefour. J’étais d’accord pour qu’il soit le patron du futur ensemble et je l’avais même entraîné pour visiter nos magasins incognito. Mais des problèmes fiscaux et juridiques ont empêché une solution simple et nous ne voulions pas monter une usine à gaz. Cette fusion était économiquement, philosophiquement et humainement pleine de promesses et acceptée par tous, c’est un de mes regrets. »

Sur la tentative d’OPA de Promodès

« Paul-Louis Halley avait une très haute opinion de la valeur de ses actions et une piètre des nôtres, alors que notre chantier de rénovation commençait à porter ses fruits. A cette époque, il faut se rappeler que les analystes financiers pensaient que Casino n’allait pas s’en sortir. Quand il m’a appelé la veille de l’OPA pour me prévenir et qu’il m’a communiqué le prix, je lui ai répondu : "Paul-Louis, je suis désolé, mais vous êtes complètement en dehors de l’épure." Par ailleurs, l’écurie de cadres derrière lui était, à notre avis, plus faible que celle de Casino. Mais c’est la nôtre qui aurait fait les frais de la fusion. Regardez ce qui s’est passé par la suite avec Carrefour… »

Sur les hypermarchés

« A l’époque, nous ne savions pas faire des hypermarchés. Sans doute, aussi, avons nous été pénalisés par le fait d’être à Saint-Etienne. Au départ, le développement des hypers s’est surtout fait dans la moitié nord de la France. Dans les années 80-90, il était déjà plus difficile d’ouvrir des hypers. Il fallait passer par les fourches caudines des municipalités et des partis politiques, ce que nous n’avons jamais voulu faire. »

Sur le recentrage et le développement du groupe

« Nous avons lancé une vague de baisse des prix en 1990. Dans le même temps, nous avons entamé un grand recentrage. En trois ans, nous avons vendu les usines alors que nous étions le deuxième producteur agroalimentaire français, derrière BSN. Toute la restauration à thème a aussi été cédée (Quick, Hippopotamus, Autoroutes) pour ne garder que les cafétérias. En parallèle, nous avons acheté La Ruche Méridionale (18 hypers et 112 supers) puis Rallye (49 hypers et 232 supers). »

Sur la nomination de Georges Plassat à la tête de Casino

« C’était un symbole de plus dans la suite logique du chantier entrepris. Je disais alors que l’important n’était pas que la famille garde le contrôle mais que Casino soit grand. Et aussi que l’entreprise ne devait être dirigée par la famille que s’il y avait des "génies" parmi nous. Mais nous n’en avons pas trouvé. C’est ce qui a amené, dans l’intérêt du groupe, à la nomination de Georges Plassat. »

Sur son action et sa méthode

« En dix ans, notre société est passée d’une taille provinciale à une taille mondiale, sans rien casser, sans révolution brutale, tout en renforçant et pérennisant son autonomie grâce à la présence de Rallye et de Jean-Charles Naouri au capital. »

Biographie

Né le 21 octobre 1926 à Saint-Etienne, Antoine Guichard a fait toute sa carrière dans le groupe Casino après sa sortie d’HEC en 1949. Il rejoint les instances dirigeantes du groupe familial en 1966, en tant qu’associé-gérant commandité, nommé à vie comme ses pairs. Adoubé par son oncle Pierre Guichard, et artisan du changement de statuts, il devient président du conseil de gérance en 1989 puis président du directoire en 1994. Une place qu’il cède à Georges Plassat, premier non-Guichard à la tête de l’entreprise, en 1996.

Antoine Guichard est alors nommé président du conseil de surveillance puis président d’honneur du groupe. Un siège qu’il occupait toujours dans la société désormais pilotée par Jean-Charles Naouri, entré au capital en octobre 1992 dans le cadre de la reprise de Rallye par Casino.

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