Philippe Moati : "En matière de consommation durable, l'intérêt personnel prend souvent le dessus"
Philippe Moati, confondateur de l’ObSoCo (Observatoire Société & Consommation) a répondu aux questions de Linéaires sur la relation des Français avec la consommation durable et les défis auxquels devront faire face acteurs des PGC.
Les consommateurs sont-ils sincères ou hypocrites lorsqu’ils déclarent vouloir consommer de manière plus responsable ?
Les consommateurs sont sincères, mais ils le font dans la mesure de leurs moyens. Pas seulement financiers d’ailleurs, car plusieurs initiatives responsables sont bonnes pour le porte-monnaie comme le covoiturage, l’achat en seconde main ou les espaces dates courtes. Il y a aussi des considérations de temps par exemple.
Y a-t-il un effet cyclique aux considérations responsables ?
Globalement elles sont de plus en plus présentes, mais elles sont très liées à l’agenda de l’actualité médiatique. On a vu un recul des attentions environnementales 2008 avec la crise des subprimes. Puis une envolée avec les épisodes de canicules. Les consommateurs expérimentent les effets du dérèglement climatique, ce qui accentue leurs préoccupations. En 2020, en période de covid, l’environnement n’était plus une priorité. En revanche, l’aspect social était très fort.
La crise du pouvoir d’achat devrait donc avoir un impact !
Evidemment. Elle va émousser la tendance, en faisant reculer l'envie de consommer durable dans l’ordre des priorités. La bulle va éclater, mais il y a une véritable tendance de fond à prendre au sérieux.
La confiance est-elle en train de se nouer entre les marques et les consommateurs ?
Les marques ont désormais compris qu’il fallait communiquer. Aujourd’hui, une pub sur deux parle de problématique RSE. Il ne suffit plus d’acheter un produit responsable, il faut l’acquérir auprès d’une entreprise elle-même durable. Mais le défi le plus dur sera celui de la crédibilité. Les consommateurs sont très méfiants. Ils perçoivent peu l’engagement des entreprises et ne leur font pas confiance. Ils ont une vision très négative.
Comment rendre la consommation durable désirable ?
Les produits et modes de consommation responsables qui fonctionnent sont ceux où le bénéfice citoyen coïncide avec l’intérêt personnel. Pour accélérer la transition, il faut chercher les deux. S’ils luttent, l’intérêt personnel prend le dessus. Le bio, par exemple, fonctionne avant tout parce qu’il est bon pour la santé, puis bon pour la planète. Le recul des ventes de bouteilles d’eau constitue aussi une belle illustration, l’eau du robinet étant moins chère et plus simple à acheminer. Le contre-exemple le plus flagrant est le tri. Bien qu’il soit une vraie contrainte individuelle, le bénéfice collectif perçu justifie pour une grande partie des Français de se l’imposer. L’exception trouve sa raison par le fait que le tri et le recyclage sont vus par les consommateurs français comme la mesure la plus efficace pour protéger l’environnement.